Chronique familiale



Les origines de la famille Le Roy Ladurie

Elle est issue du hameau de Meslay, commune de Banvou, près de Domfront.Dans cette région défrichée sur la forêt voisine, le vocable "La Durie" devait qualifier un terrain particulièrement ingratà travailler et peu fertile.De nos jours, un champ portant ce nom est encore inscrit au Cadastre.Le premier ancêtre parvenu à notre connaissance, Toussaint LE ROY est un prêtre qui vivait à la fin du XVII ° siècle.Curé de Gournay (Evêché d'Evreux), il signa l'acte de mariage (ci-dessous).Sur lui nous ne possédons aucun renseignement précis.

Extrait du Registre des mariages de la commune de Banvou (Orne)pour l'année mil sept cent dix sept.

Le septième Novembre de l'année mil sept cent dix sept, le mariage entre Gabriel le ROY sieur de la Durie, avocat au siège de Verneuil et damoiselle Elisabeth Martin a été par nous Toussaint Le Roy, prêtre, curé de Gournay, Evêché d'Evreux, célébré, suivant la permission de Monsieur le Curé, en la présence de damoiselle Marie Alexandre mère de la dite épouse et de François Martin, sieur des Vergers, de François Le Roy, sieur des Landelles, Louis Bunoust, Jean Amiard, lesquels avec les dites parties ont signé le présent.Le registre est signé G. Le Roy, Elisabeth Martin, Marie Alexandre Frau Le Roy, L. Bunoust, J. Amiard, F. Martin et T. Le Roy.

Par contre nous savons que Gabriel LE ROY quitte son pays natal pour s'établir à Verneuil.En s'élevant dans l'échelle sociale selon l'usage fréquent de l'époque, il adjoint à son nom celui de la terre ancestrale.

Gabriel LE ROY de la DURIENé entre 1687 et 1688Décédé le mardi 18 février 1738 à Verneuil (27)

Il a épousé le dimanche 7 novembre 1717 à Banvou (61)Marguerite Elisabeth MARTIN du PLESSIS

Quatre enfants sont nés de cette union :

1. Jacques LE ROY de la DURIE Union en 1749 à Ivry la Bataille (27) avec Jacqueline Pélagie EVESQUES

2. Charles Gabriel LE ROY de la DURIE Décédé en 1794

3. Gabriel Toussaint LE ROY de la DURIE Né en 1718 Décédé le dimanche 30 mars 1777 à Verneuil à l'âge de 59 ans

4. Philippe Auguste LE ROY de la DURIE Né le samedi 21 février 1728 à Verneuil (27) Décédé entre 1736 et 1738

Notes :

LE ROY sieur de la DURIE né à..........vers 1688.Licencié aux droits, avocat aux juridictions royales de Verneuil,Sénéchal de la seigneurie de Chennebrun(ailleurs on peut lire un titre différent : Bailly de la Haute Justice de Chennebrun

Les origines de la famille Riabouchinsky (Рябушинский)

L’histoire de cette famille est trop riche d’enseignement et de détails significatifs pour qu’elle puisse ne pas être évoquée ici.Elle commence au faubourg (sloboda) de Rebušinskaja, dans la province de Kaluga, non loin de la ville de Borovsk.

Nous voyons là un certain Mihail Jakovlevič (1786-1858), fils d’artisans sculpteurs sur bois, quitter le village vers l’année 1800.Mihael n’est pas un vieux-croyant, quoique les lieux dont il se sépare soient pleins de souvenirs chers aux vieux-croyants.Tout à coté du village se dresse le monastère Saint-Paphnuce. Avvakum y avait été enfermé pendant deux mois tandis que siégeait le concile qui allait le condamner (1666). C’est là aussi que les boïarines Morozova et Urusova avaient été détenues quelques années après. En remontant encore trois siècles, c’est là qu’Ivan Sanin, le futur saint Joseph de Volock , était arrivé à l’âge de vingt ans pour se mettre sous la direction de Saint Paphnuce, alors higoumène du monastère de Borovsk. Les vieux-croyants, nous le verrons, vénèrent particulièrement la mémoire de Joseph de Volock, et cela rattache encore le monastère de Borovsk à leur foi.S’il n’est pas vieux-croyant, donc, il serait très étonnant que Mihail Jakovlevič ne soit pas au fait des prouesses des moines de l’ancien temps et de leurs illustres successeurs, les héroïques prisonniers du XVIIe siècle.

Arrivé à Moscou, il est embauché dans un magasin d’étoffes du Gostinnij Dvor, dont il devient assez vite le gérant. Les évènements dramatiques de 1812 font sur lui l’effet d’un choc profond et l’invasion étrangère le tourne, comme un certain nombre de ses compatriotes, vers les valeurs nationales négligées. C’est ainsi qu’il rejoint les rangs des vieux-croyants popovcy entre les années 1818-1820 prenant pour nom de famille le nom même de son village, bientôt transformé en Rjabušinskij.Son patron, le marchand de tissu Skorovanov, se convertira lui aussi à la Vieille Foi en 1825.Dans les années 1840-1850, la fortune de Mihail Jakovlevič est déjà fermement établie.En 1844 il rachète le magasin de son ancien patron, il possède des filatures de lin, de laine et de coton à Moscou et dans sa province natale de Kaluga.Là-bas, il possède deux usines dont l’une est même équipée de matériel ultra moderne venu de Manchester.Mihail Jakovlevič eut deux filles et trois garçons : Pavel, Ivan et Vasilij.A ces derniers, il donna l’éducation stricte des vieux-croyants d’alors ; très tôt les enfants devaient travailler comme les adultes. C’est ainsi qu’Ivan entra dans les affaires à l’âge de seize ans.Le père proscrivait l’habit « allemand » et les distractions du monde.On raconte qu’ayant surpris son fils Pavel en train d’apprendre le violon avec un émigré français, il lui brisa l’instrument sur le crâne.Ivan (1818-1876) se brouilla vite avec le reste de la famille.Restait Pavel (1820-1899) et Vasilij (1826-1885).Autant ce dernier était de naturel réservé, timide, voire même passif, autant le premier était actif, sanguin et entreprenant.C’est lui qui fit le plus pour développer l’entreprise familiale, Vasilij s’intéressant d’avantage aux aspects techniques du métier.Pavel n’avait pas hérité de l’austérité de son père.Certes, il ne transigea jamais sur l’essentiel, refusant toujours de rejoindre l’Eglise officielle (edinoverie) malgré les risques de dégradation qu’un tel refus impliquait sous Nicolas Ier.Mais il avait rejeté le kaftan pour la redingote occidentale et, s’il n’avait pu étudier le violon dans sa jeunesse, il se rattrapa par la suite en faisant venir chez lui des musiciens.Il alla même un jour jusqu’à inviter des acteurs du Petit Théâtre (Malyj Teatr) à donner une représentation dans ses salons.Après avoir divorcé de sa première femme, dont il avait eut 6 filles et un garçon mort à un mois, Pavel se remaria avec la fille d’un riche négociant pétersbourgeois qu’il avait tout d’abord choisie our son frère Vasilij.Ce dernier, soumis, accepta que la belle, riche et, dit-on, remarquablement intelligente fiancée lui échappât au profitde son frère.

Aleksandra Stepanovna Ovsjanikova donna à Pavel huit filles et neuf fils dont Vladimir, notre auteur, né en 1873.Le jeune Vladimir Pavlovič grandit dans une maison où la tradition était vivante, où l’on tenait très fermement à la religion de la vieille Russie, où l’on respectait le savoir ancien et où l’on aimait les livres d’autrefois, mais où l’intelligence, la curiosité scientifique et l’esprit d’entreprise n’étaient pas mis sous le boisseau.Pavel Mihajlovič emplissait sa demeure d’icônes et veillait à ce que la piété traditionnelle imprégnât la vie quotidienne de sa maisonnée, mais il chercha toujours à donner à ses enfants la meilleure éducation possible, selon le « monde ».Ses fils furent confiés à une gouvernante allemande et Vladimir, quand il eut l’âge, partit étudier le droit et l’économie à l’université de Heidelberg.Son livre du reste, est la preuve qu’il reçut une éducation soignée.Vieux-croyants, les Rjabušinskie l’étaient donc, mais de façon créatrice et dynamique.Il n’y avait rein chez eux d’obscurantiste.On peut se faire une idée de ce qu’ils étaient d’après le portrait que Vladimir brosse du riche marchand vieux-croyant :

« … cultivé, portant la barbe et le long manteau, industriel talentueux, maître de centaines et parfois de milliers d’âmes, homme de travail mais aussi connaisseur de l’art russe ancien, archéologue, collectionneur d’icônes, de livres, de manuscrits, capable de s’orienter dans les questions d’histoire et d’économie, qui aime son négoce mais qui est plein d’exigences spirituelles … »… image toute biblique du juste au milieu de ses troupeaux.Plus qu’à son père, c’est au grand-père qu’il ne connut jamais que pense vraisemblablement Vladimir Pavlovič mais il est certain que l’idéal n’avait pas disparu avec Pavel Mihajlovič, quoique la réalisation en eût quelque peu changé avec le temps.Or ajoute Vladimir, cet homme, ce riche, était un « moujik ».Malgré la fortune et la puissance accumulées, le lien avec le passé, le peuple, avec la terre n’avait pas été rompu, et les principes ancestraux, nous l’avons vu, tenaient ferme.La tradition patriarcale, la discipline, étaient fortes chez les Rjabušinskie, favorisées par le caractère familial de leur entreprise et par les liens confessionnels qui unissaient les patrons à leurs employés (quoique sur ce dernier point, l’esprit pratique des Rjabušinskie leur permît des exceptions :outre la gouvernante déjà citée, un des mécaniciens qui travaillait chez eux au cours des années 1860, un dénommé C. Ludwig, était allemand).Le « riche », dit saint Jean Chrysostome, « est l’intendant des biens du pauvre.Ce principe chrétien, le principe selon lequel « richesse oblige », n’était pas perdu de vue dans la famille, même si l’attitude patriarcale de Mihail Jakovlevič s’était changé du temps de Pavel Mihajlovič en une sorte de paternalisme.Entre les deux hommes, il faut le dire, était née la grande industrie, qui tendait à détruire les mœurs anciennes, à disperser les hommes et à dépersonnaliser leurs rapports.A l’actif de ses œuvres philanthropiques, la maison Rjabušinskij pouvait citer un service d’assistance médicale gratuite pour ses ouvriers (dès 1870), une école pour leurs enfants, un refuge pour les veuves et les orphelins des familles de marchands (en 1895), un hospice (en 1900).En outre la règle s’est toujours maintenue qu’un ouvrier ne pouvait être licencié qu’en cas d’ivrognerie invétérée.Toute demande de licenciement était considérée comme une disgrâce pour la firme.Avec la troisième génération, l’entreprise prend un tour capitaliste déterminé.En 1902 les fils de Pavel, fondent leur banque qui devient en 1912 la Banque de Moscou, société par actions au capital de vingt millions de roubles.Leur activité industrielle se développe dans des branches autres que le textile : exploitation forestière et même industrie automobile.Mihail Pavlovič (1880-1960) s’intéressait surtout à la gestion financière et aux problèmes strictement économiques (voir l’analyse que Mme M.-L. Lavigne fait de son projet de concentration industrielle).Pavel Pavlovič, l’aîné (1871-1924), s’occupait davantage des questions politico-économiques.Il eût toute sa vie une activité débordante. Il était président de l’association des fabricants cotonniers et du comité boursier de Moscou.Avec D.V. Sirotkin, il organisa un congrès de vieux-croyants sur les questions de réforme agraire.En 1904, il avait essayé de fonder un « parti constitutionnel », proche du « groupe du 17 octobre » (octobristes).A partir de 1907 il essaya de défendre dans son journal Utro Rossii une politique industrielle et économique cohérente.De 1906 à 1909 il édita même avec son frère Nikolaj (1877-1951) une revue d’art bien connue à l’époque, Zolotoe Runo.En 1912, quand la bourgeoisie nationaliste fonda le « parti progressiste », Pavel Pavlovič en devint l’un des membres les plus influents.En mars 1917, il fut élu président de l’Union pan-russe du commerce et de l’industrie.Il employa sa charge à défendre une politique économique très austère, déclarant avec sa véhémence coutumière qu’il fallait « étouffer la révolution, menaçante avec la main osseuse de la famine ».Cette phrase l’a desservi auprès des générations suivantes.A la même époque, il devenait président du Congrès général des vieux-croyants.

Vladimir semble avoir été le plus religieux des frères Rjabušinskie. Mais il ne se tenait par pour autant à l’écart des activités commerciales et industrielles de l’entreprise familiale.Il faisait partie du conseil d’administration de la Banque de Moscou, était conseiller municipal, s’intéressait de près à Utro Rossii . Nous avons vu que, pour lui comme pour tous les siens, le négoce — à condition qu’il n’allât pas contre les principes de la morale et les exigences de la conscience — n’était pas incompatible avec la Vieille Foi.Bien au contraire : dans un monde en proie au changement et victime de son admiration stupide de toute mode venue de l’étranger, « être riche » permettait de sauvegarder ce que les traditions nationales avaient de précieux.Ainsi — et ainsi seulement — les Rjabušinskie justifiaient leur activité commerciale et financière : non pas une fin, mais un moyen.On n’est donc pas fondé à comparer les vieux-croyants russes aux puritains anglo-saxons, comme le fait A. Gerschenkron.La meilleure preuve que les vieux-croyants moscovites tout éclairés et tout entreprenant qu’ils fussent, n’étaient pas les artisans du capitalisme moderne comme le furent, selon Max Weber, les protestants occidentaux, c’est qu’ils surent mal s’adapter aux exigences de ce dernier, contrairement aux grands capitalistes pétersbourgeois par exemple qui, eux, n’étaient pas vieux-croyants.La révolution d’octobre eût tôt fait de ruiner tout cela. Les Rjabušinskie soutinrent l’armée volontaire de Denikin de leurs moyens matériels et politiques mais il leur fallut vite eux aussi prendre leur parti de la défaite et quitter la Russie.En exil, la fièvre de l’action n’abandonna pas Pavel , qui fonda une « Union des industriels russes ».L’un des Rjabušinskie, Dimitrij Pavloviè (1882-1962 fit en France une belle carrière scientifique.Il enseigna l’aérodynamique à la Sorbonne et fut membre correspondant de l’Académie de Sciences.

Contrairement à ses frères, Vladimir ne rasa pas sa barbe à l’étranger : il était et resterait vieux-croyant jusqu’à sa mort, rassemblant des icônes, organisant des expositions et des conférences, fréquentant assidûment la chapelle de Joinville- le- Pont (démolie depuis lors) et défendant l’héritage spirituel de ses ancêtres dans le livre que allons examiner maintenant.Sur la fin de ses jours il était devenu aveugle. Il s’éteignit à Vincennes en 1955.

↑Source : Le Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur,sous-direction des bibliothèques et de la documentation.Sur le livre de Vladimir Rjabušinskij : La vieille foi et le sentiment religieux russeBernard MarchadierCahiers du Monde Russe, Année 1980, Volume 21, Numéro 1


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