Charles-Félix GRENOT [Docteur, Major]

Médecin-major de 2e cl. (assimilé capitaine), chef de service au 4e BCP, quartier Félix-Douay (le Camp).

• Intégré dans la IIe armée de Castelnau (15e,16e et 20e corps d’armée) qui doit s’engager en Lorraine annexée (Bezirk Lothringen), le 4e BCP reçoit la mission d’éclairer, puis de flanc-garder la 11e division d’infanterie (20e corps)

La pluie qui tombait depuis deux jours laisse la place à une chaleur étouffante ; le 20e corps de Foch progresse sous un tir d'artillerie ennemi puissant et bien réglé ; aussi n'atteint-il qu'une partie des objectifs de la journée, à une vingtaine de km au nord de la Seille, sa base de départ, et encore, au prix de pertes élevées.

• Foch doit donc se couvrir avec sa 11e DI ; dans l'après-midi, Castelnau lui ordonne d'ailleurs de tenir pour la nuit la route de Conthil à Dieuze (Duss).

1) - En compagnie des autres unités de la 11e DI (26e, 37e, 69e et 79e régiments d’infanterie), le 4e BCP se déploie autour du village (Pewingen), sous de violents feux de l’artillerie lourde allemande, qui rendent Morhange (Mörchingen) inaccessible. Dans l’après midi, à l’instar des autres grandes unités engagées plus au sud (15e et 16e CA), le 20e CA amorce un mouvement général de retraite laissant plusieurs centaines de blessés sur le champ de bataille.

L’unique poste de secours du 4e BCP, déployé par ordre du chef de bataillon au centre du village, à 1800 mètres environ de Morhange, vite encombré de blessés, ne peut se replier à temps et tombe aux mains de l’ennemi - en l'espèce, Infanterie-Regiment Graf Barfuß (4. Westfälisches) Nr. 17.

2) - Le village est occupé par une compagnie du IR 17, dont les hommes entourent aussitôt les médecins et infirmiers, sans commettre d’ailleurs de brutalité. Ils pillent les sacs des blessés, en jettent le contenu sur le sol et mettent également la main sur un certain nombre d’objets appartenant aux médecins.

Ils ne se livrent à aucun acte de violence sur les blessés. Le capitaine qui commande la [Kie] d’occupation se montre correct et donne toutes facilités au personnel pour assurer les soins aux blessés. À plusieurs reprises cependant, des infirmiers et brancardiers sont requis pour aider à enterrer les morts. Sur l’initiative des médecins du bataillon, quelques habitants apportent du bouillon aux blessés privés jusque là de toute nourriture.

Les évacuations se font pendant la journée, assez lentement d’ailleurs, parce que maintes fois les voitures requises à cet effet sont employées par les Allemands pour transporter des cadavres. Le soir de ce même jour, une section emmène baïonnette au canon le dernier convoi de blessés accompagné du personnel médical.

Après une assez longue attente dans la cour d’une des casernes de Morhange (17er Kaserne), un médecin militaire allemand (Stabsartz), se fait ouvrir les paniers de la voiture médicale et fait main basse sur une partie du matériel et des médicaments (boîte chirurgicale, teinture d’iode, alcool, thé, etc.).

Puis les blessés et le personnel sont conduits dans des écuries voisines, où se trouvent encore des chevaux. Les médecins du bataillon faisant remarquer qu’un séjour en un pareil lieu offrait de sérieux dangers pour les blessés, un médecin allemand répond qu’il trouve, quant à lui, le local excellent. Force est donc aux blessés et au personnel de s’étendre sur une litière non renouvelée.