Reine ClaudeCHARTRAIRE de BOURBONNE

" Elle était riche et possédait de nombreux biens en Bourgogne dont les bains de Bourbonne. A douze ans, ses parents l’avaient mariée à un homme laid et bizarre, Albert-Paul de Mesmes d’Avaux. Le comte d’Avaux était d’une illustre famille du Béarn qui avait donné un chancelier, un fameux ambassadeur, un président du Parlement de Paris, etc. Il était le dernier de son nom, avait été nommé colonel à vingt-trois ans, mais se consacrait surtout à des recherches spirites. Il laissa un nom dans l’illuminisme, mit au point des expériences nouvelles, forma des disciples, et eut un héritier spirituel, le comte Ladislas de Chastenet de Puységur, à qui il légua sa fortune, ses souvenirs, des livres mystérieux et rares parmi lesquels le fameux psautier d’Ingeburge, acquis depuis par le duc d’Aumale et aujourd’hui à Chantilly.

Le mariage de Mme d’Avaux n’était qu’une apparence. Elle vivait seule dans un appartement de l’hôtel de Mesmes, place de Lille, aujourd’hui place du Palais-Bourbon, sur la rive gauche en face de la place de la Révolution, lorsque le vicomte de Ségur fit en avril 1792 sa connaissance et sa conquête.

Il en fut lui-même aussitôt très épris, non pas du goût qu’il avait éprouvé jusqu’alors pour sa dernière victime, mais d’un amour plus profond qui devait durer par le calme bonheur qu’il lui apportait. Joseph-Alexandre de Ségur se livra si complètement à ce sentiment que, plus tard, il désigna Mme d’Avaux comme « l’objet du culte de toute ma vie », ce qui, à y regarder de plus près, n’était pas tout à fait exact ! Du moins affirma-t-il ostensiblement que Mme d’Avaux était désormais sa compagne. Il fit faire d’elle, à cette époque, un portrait par Boilly qui met en valeur le teint frais et le ravissant ovale de Reyne-Claude, dans une robe plissée champagne, les épaules couvertes d’un châle bleu ardoise avec une bordure brodée, coiffée d’un grand carré de soie crème à bandes rose pâle, portant au bras un panier de roses et de bleuets.

Mme d’Avaux divorça d’avec son mage de mari, mais continua à s’appeler Mme d’Avaux et à habiter l’hôtel de Mesmes, où Ségur la rejoignait souvent, sans toutefois se mettre en ménage avec elle. Quelle qu’eût été l’intimité dans laquelle Ségur vécut, à certains moments, avec Mme d’Avaux, leurs liens restaient une liaison, même si, de cette liaison, ne tarda pas à naître un enfant.

Mme d’Avaux accoucha en effet, le 31 janvier 1793, d’un fils que le vicomte de Ségur reconnut, qu’il nomma Alexandre-Joseph-Reyne-Claude-Félicité de Ségur et qu’il déclara curieusement à l’état civil « né d’une demoiselle Pekin ».