Chronique familiale
LES CARNETS DE TANTE ANAÏS : RÉCITS, MYTHES ET TRADITIONS …
Chapitre 5
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1 - BRIOUDE - LA TÊTE DE SAINT JULIEN
« Les habitants de Brioude, désolés de ne pas avoir la tête de saint Julien, qui avait été emportée à Vienne, envoyèrent dans cette ville un prêtre estimable, nommé Godin, pour la réclamer.
La douceur et l’aménité de son caractère jointes à ses autres vertus, lui concilièrent l’affection de tout le monde, au point qu’il fut admis au nombre des clercs attachés à la basilique où était conservée la précieuse relique, qui faisait l’objet de sa convoitise.
Mais cette église était très pauvre ; des laïques, d’ailleurs, s’en étaient emparés. Craignant donc que la perle inestimable qu’il était venu chercher de si loin ne lui échappât, il s’enferma seul, une certaine nuit, dans l’église.
Quoique la pierre qui recouvrait le tombeau fût naturellement très lourde, elle céda sans beaucoup de peine à ses efforts. Il y trouva, comme il s’y attendait bien, la tête de saint julien entre les bras de Saint Férréol ; mais, ce à quoi il était loin de s’attendre, il ne put pas séparer cette tête d’un des bras de son ami, et l’essaya plusieurs fois, mais inutilement.
Il comprit à la fin que ceux qui s’étaient ainsi tant aimés pendant leur vie, ne voulaient pas sans doute se séparer après leur mort, et il se décida à emporter le bras avec la tête.
Il partit secrètement de Vienne et reprit le chemin de Brioude. Il était encore à une certaine distance de la ville, lorsque les cloches de la basilique s’ébranlèrent d’elles-mêmes.
Le clergé s’avança, accompagné du peuple fidèle, au devant de la précieuse relique et tous en ensemble rendirent gloire à celui qui est admirable dans ses saints. »
D’après Amédée de Saint Ferréol - « Velay et Auvergne », Contes et Légendes recueillis par Régis Marchessou Imprimeur –éditeur au Puy en Velay – 23, Boulevard Carnot – 1903
Juin 2014
2 - SAINT GERMAIN-LAPRADE - LE TOMBEAU DU PÈLERIN
« Dans les flancs de la montagne de Pey-Nastre, commune de Saint Germain-Laprade, il y a une quantité de grottes gauloises qui indiquent l’existence d’un ancien vicus1.
Sur le sommet de cette montagne se trouve depuis un temps immémorial, la tombe d’un mystérieux personnage, d’un pèlerin, suivant la tradition, qui repose là du sommeil éternel. Pourquoi y est-il venu, comment se trouve-t-il enseveli dans cette solitude ?
On l’ignore, mais ce dont on ne doute pas, c’est lorsqu’on veut être guéri de la fièvre, il faut visiter ce lieu de dévotement, réciter une prière à genoux et terminer la station en plaçant cinq à six pierres en forme de croix sur la sépulture du bienheureux inconnu .2 »
1 Nom latin donné à une petite agglomération.
2M. Deribier de Cheissac, dans sa Description statistique de la Haute-Loire, 1824, raconte qu’un dimanche d’été, en moins d’une demi –heure, il vit arriver plus de dix personnes pour accomplir ce pieux pèlerinage et visiter le tombeau vrai ou prétendu du saint personnage.
D’après Francisque Mandet - « Velay et Auvergne » - Contes et Légendes recueillis par Régis Marchessou Imprimeur –éditeur au Puy en Velay – 23 Boulevard Carnot – 1903
Juin 2014
3 - BRIOUDE - LE BAILLI ET LE CHARRON
« Celle que vais vous narrer est aussi ancienne que le pont de la Senouire ; je vous la livre telle que me la contait ma marraine :
Le Bailli de Bournoncle, Baptiste Belle Bouche, habitait à Brioude, près du puis du Mazel.
Autoritaire pour les petites gens, orgueilleux comme un paon, bête comme il n’y en a plus ; gros comme une barrique de seize poids, et rouge comme une gousse d’ail, lorsqu’il circulait dans les rues, il se donnait de l’importance et se gonflait tant, qu’il occupait la superficie d’une cartonnée.
Il était gourmand comme une fouine, et sa servante la Maire Poêle, lui cuisinait de ces sauces … il s’en léchait tel un barbet.
Le Bailli avait donné à ferme une petite chènevière, dans Bertrandou à l’ « Antoine Attends-moi », le charron des Barrys qui avait la réputation d’être menteur et le plus coquin du pays, il avait toujours quelques mauvais tour dans sa besace.
Un jour que l’Antoine bêchait au canal, Baptiste Belle Bouche vint à passer, et ils conversèrent un instant.
- « Au fait, Antoine dit baptiste, tu me dois un écu et six blancs d’afferme, quand payeras-tu ? »
- « Oh pauvre monsieur, qui sait ! Peut-être à la Saint Martin, peut-être à la Noël, momentanément je suis sans un sou ».
-« Si tu ne buvais pas autant, tu n’aurais pas autant de difficultés pour t’en tire, mais tu as toujours soif ».
-« Oh ! pourtant, si l’on peut dire ! Je ne bois qu’un peu de piquette moisie que vous n’en voudriez pas pour votre chien ».
-« Par hasard, où est le tien, je ne le vois pas vers tes affaires ? »
-« Je le sors peu, je l’enferme à la maison, il me ferait quelques sottises, maintenant qu’il parle comme père et mère, je n’apprécie pas ça devant les gens ».
-« Que dis-tu ! Ne radotes-tu pas, ton chien parle ? »
-« Comme je vous le dis, je lui ais appris, et je crois même qu’il ne tardera pas à chanter. Et tenez : vous en avez un là, bien plaisant, et bien, si vous me le laissiez un mois, je parie de vous le faire parler comme un avocat ; et pour ce faire je ne prendrai que peu de chose : vous annulerez mon fermage et vous ajouterez dix écus pour sa nourriture ; je ne compte pas ma peine. Qu’en pensez-vous ? »
Monsieur Belle Bouche était avare, mais il était aussi vantard, et ma foi, avoir un chien qui parle ! Cela le décida.
-« Autant de foutu, dit-il, ni plus, ni moins, mon afferme est perdue, je t’enverrai la Marie cette veillée, elle te conduira mon petit chien ».
-« Et les écus ? dit l’Antoine, n’omettez pas la monnaie sans quoi il n’y a rien de fait ».
-« Oui, oui, et d’ici un mois je viendrais le rechercher ; il parlera, tu me le certifies ? »
-« Sûr, monsieur Baptiste, il parlera comme un avocat ».
Ainsi fut fait, à la veillée, la Marie Poêle qui laide à faire tourner le lait, descendit chez l’Antoine les écus et le chien.
Quand le mois fut écoulé, notre Baptiste ne fut pas en retard pour venir au Barrys, chez ce brave « Attends-moi ».
-« Et bien, demanda-t-il, ce chien parle ? »
-« Il commence ! mais il bégaye encore un peu, et je crois qu’il nous faudra un autre mois pour qu’il puisse nous réciter un compliment. Si vous n’êtes pas trop pressé, laissez-le moi, avec autres dix écus, et sûr il chantera, ou j’y perdrai mon identité ».
-« Tu crois qu’il chantera ? »
-« Comme un prêtre ! »
Le Baptiste ne marchanda pas, il paya et repartit.
Mais après le second mois, il faut voir comment il se redressait, il avait expliqué à tous ses amis et par tous les lieux que son chien allait parler et, qui sait, peut être même chanter !.
Aussi, lorsqu’il descendit aux Barrys, il se donnait tellement d’importance que la rue était juste assez large pour le laisser passer.
Et de loin, il cria au charron qui ferrait une paire de roues.
-« A présent, Antoine, notre chien doit être savant, je viens le chercher ! »
-« Oh ! mon pauvre monsieur, votre chien ne parlera plus ! » répondit l’autre.
-« Que dis-tu, il n’est pas crevé ? »
-« Non, je l’ai étranglé ! ».
-« Tu l’as étranglé ! coquin , voleur ! rends moi mon argent ».
-« Oh ! Monsieur Baptiste, il parlait trop, il ne pouvait pas vivre, il en racontait, il en racontait ! »
-« Et que disait-il de si répréhensible ! »
-« Et bien, il expliquait avec qui couchait la Marie , votre servante. »
-« Ah, la sale bête, la mauvaise bête : tu as bien fait de l’étrangler. Il y a bien assez de gens pour le dire sans que les chiens s’en mêlent ».
Mon Antoine reçut encore un écu d’étrennes : et cela ne se demande pas si dans les Barrys on se paya une pinte de bon sang.
Depuis Baptiste ne fut plus Belle Bouche, on le nomma Baptiste fine blague. »
D'après « Les Contes du Brivadois » de Touana Bartan (Antoine Bertrand) - Editions René Borel à Brioude – 1934 – Traduction Albert Massebeuf.
Juin 2014
4 - PRADELLES - LA FONTAINE DE SAINTE-REINE
« La légende veut que, de passage à Saint - Clément , hameau de la commune de Pradelles, autrefois assez important et dont il ne reste aujourd’hui qu’une église en ruines et le presbytère1, sainte Reine, émerveillée par la beauté du paysage, se soit arrêtée à cet endroit et se soit baignée dans les eaux transparentes du ruisselet du Mazigou, tributaire de l’Allier, et au bout duquel s’élevait le village2.
En reconnaissance sans doute du plaisir qu’elle y avait trouvé, la sainte détourna un filet des eaux du ruisseau et l’amena au bout du village, où jaillit soudain une petite source. Et, depuis cette époque, il suffit que l’enfant le plus insupportable, le plus pleurnicheur, le plus « renaïré »3 soit plongé dans la fontaine de Sainte-Reine4 pour qu’il devienne sage et rieur.
La fontaine était autrefois intarissable ; mais grand désespoir des mères de famille de la Lozère et de la Haute-Loire, ferventes de sainte reine, le malheur a voulu que, de nos jours, la fontaine soit à sec durant la belle saison. Or, en hiver, la température est telle qu’il est impossile d’y baigner des enfants « renaïrés ».
Sainte Reine n’en est pas moins restée populaire, témoin la réflexion suivante, en décembre 1902, par un ouvrier :
« A questo copt n’yo qu’enein mouïen, tsoudro lou proumettré à Sainto Reino»
« Cette fois,ci, il n’y a qu’un seul moyen, il faut nous le promettre à sainte Reine. »
Sainte Reine est aussi l’ennemie de la mauvaise humeur et de tout ce qui grande, s’il faut en croire la prière de nos bonnes vieilles aux jours d’orage :
« Sainte Reine
Sainte Claire
Préservez-nous du tonnerre
Et des éclairs. » 1 Ce village comptait au moins sept foyers.
2 Saint-Clément est distant de cinq cents mètres à peine de l’Allier.
3 Mot patois synonyme des épithètes précédentes, renaïré de reine, nom de la sainte qui les guérissait.
4 Un bassin minuscule en pierres recueille l’eau qui suinte goutte à goutte du rocher.
D’après V. Merle - « Velay et Auvergne » - Contes et Légendes recueillis par Régis Marchessou Imprimeur – éditeur au Puy en Velay – 23 Boulevard Carnot – 1903 Juin 2014
5 - LA LÉGENDE DE L’ALLAGNON

« Le torrent de l’Allagnon a partagé deux montagnes près de Massiac, en y creusant son lit, phénomène dont les exemples ne sont pas rares partout où il y a des torrents et des montagnes, et il a profité de ce déchirement pour porter ses eaux bouillonnantes à l’Allier. Mais ces deux monts si semblables donnaient alors asile à deux amants séparés par d’autres distances dans le monde moral. Victor, épris d’une jeune fille et belle fille, nommées Madeleine, n’obtint pas la main de ses parents. Tous deux se décidèrent à vivre isolés sur les sommets de ces deux montagnes qui depuis portent chacune leur chapelle et ont conservé leur nom.
Madeleine ne put résister au désir de voir Victor, et son chapelet, agité par elle, était le signal donné à l’amant pour la retrouver dans des rendez-vous, tendres et chastes à la fois, où ces deux âmes pures exhalaient vers Dieu des sentiments dont la bonté fut touchée. Victor passait le torrent.
Ils se retrouvaient pour prier hors de la cellule de la jeune sainte ; et on dit qu’un jour, dans un temps orageux sans doute, le chapelet miraculeux s’étendit subitement comme un pont suspendu de l’une à l’autre extrémité de la chaude, ce qui se renouvela depuis toutes les fois que Madeleine eut besoin de l’assistance spirituelle de Victor, pour s’affermir dans le zèle de ses sacrifices. Quelles passions auraient prévalu à l’aspect d’un tel prodige et quels prodiges n’étaient pas dus à une telle pureté. »
D’après Charles Nodier - « Velay et Auvergne » - Contes et Légendes recueillis par Régis Marchessou Imprimeur –éditeur au Puy en Velay – 23, Boulevard Carnot – 1903 Juin 2014
6 - LE PUY - AUTOUR DE LA PIERRE DES FIÈVRES

« A Notre-Dame du Puy, la
Pierre des Fièvres censée guérir ceux qui s’y allongeaient nus. Ce fut le cas d’une veuve, à qui la Vierge apparut en songe, la prévenant aussi qu’elle souhaitait qu’on lui construisit un sanctuaire sur la montagne d’Anis. Deux siècles plus tard, un paralytique bénéficia du même traitement miraculeux, et reçut le même message.
Bien plus tard, cette précieuse pierre fut placée au pied du maître-autel, mais la foule de pèlerins qui s’y pressait gênait les offices. On la sortit donc sur le dernier palier du grand escalier de la
Porte Dorée. Il n’en reste qu’un fragment, car la foudre l’avait fracassée, pour réprouver un adultère qui s’y serait commis.
&La Vierge avait déjà eu l’occasion de manifester son pouvoir sur les pierres, à l’époque de la construction du premier édifice.
En ces temps déjà, il arrivait que les ouvriers eussent à se plaindre de leurs conditions de travail et de leurs employeurs. On raconte que ceux qui ont construit le premier sanctuaire de la vierge, au Puy, gagnaient si peu qu’ils ne pouvaient pas même s’acheter du pain.
Le maître d’œuvre s’adressa à la Mère de Dieu, apparemment plus poltron que philanthrope : « Ils ont faim et ils vont me faire un mauvais sort si je ne leur donne rien à manger ».
Et, l’implorant de transmuter des pierres du chantier, il en jeta plusieurs à ses maçons, en criant : « Vous en voulez, vous en voilà ». Or les pierres se changeaient en pain en touchant terre .
&Si l’on en croit la rumeur, la Vierge n’a pas ménagé sa peine dans la région. Elle y aurait même laissé certains de ses vêtements : sa ceinture, qui aurait le don de faciliter les accouchements et deux de ses chaussures, l’une apportée par un ange, l’autre par saint Martial, sur l’autel de l’église Notre-Dame du Puy…
&Un pauvre charpentier, Durand, aurait reçu d’elle mission, « attestée » par un parchemin qui la représentait sur un trône tenant l’Enfant dans ses bras. Il s’agissait d’organiser la « Croisade des Chapreons Blancs » contre les « Cotereaux » ou Brabançons », bandes qui ont ravagé les campagnes à la fin du XIIe siècle. Prodige assurément : la déconfiture de ces bandits fut sévère : douze mille seraient morts à Charenton-sur-Cher en juillet 1183, et bien d’autres à Millau, puis à Marsac en Auvergne ? Du coup, ils se tinrent tranquilles, ce dont profitèrent les « Chaperons blancs » pour mener une jacquerie, à leur propre compte. Quant à Durand, on en n’entendit plus jamais parler.
&On se mettait volontiers sous la protection de la Madone : il est clair que la fin du monde n’est parrivée le 25 mars 992 comme l’avait prédit le moine allemand Bernhard de Turinge. Mais la peur fut d’autant plus grande, que cette année là l’Annonciation tombait le même jour que le Vendredi Saint ; et l’on vint en masse attendre à Notre-Dame du Puy le jugement dernier. De là date le Jubilé que le Vatican instaura les années où le Vendredi Saint et l’Annonciation coïnciderait. Celui de 1910 a encore réunit une foule immense.
&Ce serait enfin Elle qui aurait inspiré à Isabelle Mamour l’invention de la dentelle. Cette jeune fille fut chargée d’habiller la célèbre Vierge noire à l’occasion du Jubilé de 1406. Mais Isabelle, dépité par l’ouvrage qu’elle venait de faire en dentelle « au point », qu’elle jugeait indigne d’une telle commande, se mit à pleurer. Alors la Vierge compatissante lui suggéra de garnir d’épingles une planchette et d’enrouler autour de ces navettes improvisées, le fil le plus fin qui exista alors ».
D’après Gilbert Laconche et J. Baudeneau - Légendes et diableries de Haute-Loire Juin 2014
7 - BRIOUDE - DEUX MUTINS

« Un soir de Saint-Julien, Racle Couenne le barbier, et la Catherine, sa femme avait tellement raclé tant de museaux qu’ils étaient exténués.
N’en pouvant plus , ils s’étaient affalés, chacun sur une chaise, et pas plus l’un que l’autre, ne voulait se lever pour allumer l’éclairage.
- « Fais feu » dit-il.
- « Fais-toi » dit elle.
- « Tête de mule , tu ne bougeras pas ? » répéta-t-il.
- « Non, je le ferais, ricanait-elle, que si tu me promets de me faire jouer à la banque au Postel ».
- « Manquerait plus que ça, ragea cet avare de Racle Couenne, allait jter de l’argent au jeu ! »
- « Eh bien ! allume toi, si tu veux, dit la Catherine, d’ailleurs avare comme tu es, si c’est toi qui allumes tu payeras au jeu ».
- « Si c’est toi, dit-il, tu iras au lit ».
Et voilà nos deux mutins campés chacun dans son coin, comme deux tertres.Personne ne disait mot, et n’aurait bougé pour un écu. Il y avait bien une demi-heure qu’ils s’épiaient, lorsque le grand Joseph, l’aîné du Bailleur, entra pour se faire raser ; il ne voyait rien, et marchait comme à colin-maillard, en écartant les bras. Tout à coup sa main rencontra quelque chose qui semblait être un bonnet et son ruban, puis une épaule, puis, un nez, un menton.
- « Tiens, se dit Joseph, c’est la Catherine qui dort, son mari doit être allé boire une pinte chez la Chanterelle »
Et pour la réveiller, il lui donna un baiser comme une fessée.
Ma Catherine ne bougea pas plus qu’une souche, et ce coup de Joseph allait lui en donner un autre quand Racle Couenne lui vola sur le poil, le jeta dehors et alluma l’éclairage.
Alors la Catherine s’écria : « J’ai gagné, tu payeras la banque , je veux gagner un couteau à la Farfouite ».
- « Toi, tu me l’aurais baillé belle, il s’en est fallu de peu que j’y gagne un chapeau, tu ne m’y reprendras pas. Viens, allons au Postel : il vaut mieux courir le risque de gagner un couteau en entier que d’en fournir le manche. »
D'après « Les Contes du Brivadois » de Touana Bartan (Antoine Bertrand) - Editions René Borel à Brioude – 1934 – Traduction Albert Massebeuf. Juin 2014
8 - GRÈZES - LE GRILLON

« Autrefois, au village de Grèzes, là-haut, dans les montagnes de la Margeride, il y avait un pauvre diable de paysan que l’on appelait le Grillon.
Une pleine maison d’enfants et peu de chose pour les nourrir : je vous promets que le ventre ne les empêchait pas de courir…
Ce balourd de seigneur de la Clauze mangeait la laine sur l’échine de tous les gens du pays.
Le cadet de notre Grillon s’appelait Antoine. Depuis qu’il s’était trouvé seul, il n’avait jamais pu manger son saoul , pas même des pommes de terre.
>« Oh ! se disait-il, si seulement, pendant trois jours, je pouvais me gonfler de lièvre, de poulet, de viande fraîche, en buvant de bon vin, avec un peu d’eau-de-vie, malgré que cela dût me faire pendre, je me hasarderais quand même à le faire. »
Chacun a quelque idée qui le mène, dans la vie. L’un ne pense qu’à amasser de l’argent, un autre voudrait voir du pays ; celui-ci rêve de chasse ou de pêche toutes les nuits : Antoine n’avait de souci que pour son ventre. Tellement, qu’une fois, pour essayer de réussir, il prit sa blouse neuve et s’en alla par le pays…
Quand il fut, là-bas à Langeac, il se fit passer pour devin. Justement, la dame du château de La Voûte se plaignait d’avoir perdu une belle bague. Notre homme, qui avait son idée, se fit indiquer cet endroit, et alla frapper à la porte de cette riche maison.
Là, il promit de trouver la bague, si on lui donnait à manger et à boire tout ce qu’il voudrait, pendant trois journées.
« S’il m’arrive du mal, fit-il, tant pis ! Au moins j’aurai passé mon envie. »
Trois servantes furent commander pour servir l’Antoine du Grillon, et vous pouvez penser que celui-ci se fit servir, comme un roi, de tout ce qu’il put imaginer. Le soir, en allant se coucher, le devin dit à la servante qui lui bassinait son lit : « En voici une d’attrapée ? »
Justement, cette coquine s’était entendue avec les deux autres servantes pour voler la bague, et ce paroles l’embarrassèrent tellement, qu’elle alla le leur conter.
Cette nuit-là, elles ne purent trouver le sommeil. Le lendemain, notre goulu s’attabla de nouveau et s’empiffra des aliments et de la boisson à en faire craquer sa ceinture ! En allant se coucher, il fit à l’autre servante : « Maintenant, je tiens la seconde ! »
A propos de cela, les trois voleuses tinrent conseil, se crurent découvertes et décidèrent de venir se confesser au devin pour essayer d’arranger l’affaire. Lorsque le devin fut au courant de tout, il leur répondit : « Je savais, déjà, ce que vous me contez : donnez-moi la bague, et allez-vous en tranquilles ! »
Le quatrième jour, de bon matin, l’Antoine alla faire un tour, là-bas, vers les poules, et quand la dame le fit appeler afin de savoir sa réponse, il lui dit : « Ma belle dame, mercredi passé, vous perdîtes votre bague, et le coq noir la mangea en croyant que c’était une graine. Je l’ai vu dans son gésier. »
La pauvre bête fut tôt saignée et plumée. Le devin eut une fameuse récompense. A ce moment-là, le seigneur rentrait de voyage, et quand on lui eut conté cette affaire, il voulut, lui aussi, éprouver le talent de notre pauvre hère. Sans rien lui dire, il alla, là-bas, dans le pré.
Il attrapa un grillon, le cacha dans sa tabatière et vint trouver l’Antoine :
« Tiens, si tu devines ce qu’il y a dans cette boîte, je te donnerais trente écus ; mais, si tu t’es moqué de nous et que tu ne le devines pas, tu attraperas trente coups de bâton. »
« Aie ! aie ! pauvre Grillon », fit l’autre, « je crois que cette fois, tu te seras bien fait attraper ! »
Le seigneur, qui ne savait pas le nom de notre devin, ne comprit pas comme il fallait la réponse et crut qu’il avait de nouveau, bien deviné : il lui fit donner une poignée d’argent. » >
D’après Henri Gilbert - Les Conteurs du Covize – Imprimerie « La Haute-Loire » Le Puy en Velay – 1953 Juin 2014
9 - LA MULE ET LES BŒUFS DE CHAMALIÈRES

« Lorsqu’on construisit l’église de Chamalières, on alla prendre la pierre dans les flancs de la montagne d’Arrias, à trois quarts d’heure environ du bourg.
Une grande mule et deux bœufs blancs transportaient les matériaux. Ils n’avaient point besoin de guide. A la carrière, la grande mule et les bœufs blancs se prêtaient d’eux-mêmes aux fardeaux qu’on voulait leur laisser traîner.
Arrivés à l’emplacement de l’église, les ouvriers prenaient les matériaux, et la mule et les bœufs regagnaient la carrière et revenaient à l’église sans que l’homme intervint dans leur travail instinctif. Il en fut ainsi jusqu’à l’achèvement de l’édifice. »
D’après Ulysse Rouchon , Contes et Légendes de la Haute-Loire – Crépin-Leblond éditeur à Moulins (1947) Juin 2014
10 - COHADE – LE PENDU DE LA CÔTE

« Au temps, où la Vendage était dépourvue de pont, les voleurs chaque nuit s’y dissimulaient pour piller les gens.
Le bailli (c’était Fine blague) en devenait presque enragé, on disait qu’il en rossait sa servante, jamais ses agents n’en avaient pu arrêter un seul. Il me semble que ses sbires se dissimulaient, se souciant peu de faire abîmer leur peau ; ils arrivaient toujours trop tard.
Les charretiers ou les caravaniers se groupaient à trois ou quatre pour se protéger, mais s’il y en avait un seul, il était foutu.
Un jour, ou plutôt un soir, en retournant à Molompize, après avoir rempli ses outres de ce fameux vin de Tapon, un pauvre bougre de caravanier se trouva au gué, un peu après le soleil couchant. Ce ne devait pas manquer : les brigands le surprirent, ils déchargèrent ses outres, burent son vin, ils l’étranglèrent presque, puis prient le large avec ses mules.
Quand il put se relever et reprendre son souffle, il cria « au secours » mais crie toujours, personne ne vint. A la fin, pourtant du côté de Flageac on l’entendit, et on avertit le bailli : notre homme arriva en courant avecses agents, mais comme toujours, ils arrivèrent trop tard ; plus de mules, plus de voleurs, il n’y avait que deux hommes, le caravanier et un jeune homme ivre mort qui ronflait, la tête appuyée sur une outre.
- « Qui sait, dit le bailli, si nous n’en tenons pas un ? Celui-là paiera pour les autres ».
L’homme ne se réveillait pas, et le bailli le secouait tant il finit par ouvrir les yeux.
Le pauvre caravanier disait que ce garçon n’était pas à son service, qu’il ne le connaissait pas.
Alors le bailli le secoua de plus belle : « Qui es-tu ? d’où es-tu ? Que fais-tu là ? Où tes camarades se cachent-ils ? ».
- « Pan, pan, ran,tan, pan, répondit l’autres ».
- « Que veut-il dire, marmonna le bailli, sûr qu’il doit venir de très loin, quelque étranger d’Espagne ! et lui répéta : « Qui es-tu ? d’où es-tu ? Que fais-tu ? »
- « Tutu, nunu, pupu »
- « En voilà un qu’il ne sera pas facile de comprendre ». Le bailli était fort embarrassé, il en suait.
- « Tenez, Monsieur le Bailli, dit un de ses agents, il doit être mon compatriote, si vous me laissez questionner, je parie de le faire répondre ».
- « Fais, l’ami, mais tu renoncera là où j’ai renoncé ».
Et voila le soldat planté devant le garçon, il le prend par la boutonnière, le secoue un peu et lui crie : « pan, pan, ran, tan, pan »
- « Rou tout ou pou », répliqua l’autre.
- « Vous voyez, monsieur le bailli, comme je vous disais, il a répondu convenablement. Il a dit : c’est moi qui ai étranglé le caravanier et puis j’ai goûté son vin et j’ai fait fuir les mules ».
Du coup, le voleur se mit à crier : « Je n’ai pas dit ça, je ne l’ai pas étranglé et je n’ai bu qu’une gorgée de vin ».
- « Ah, gueux, maintenant tu parles, tu te fais comprendre ».
- « Alors, écoute bien : vous autres qui êtes là, prenez moi ce coquin, et pendez le par là ; as-tu compris ? »
Il le comprit de reste, le pauvre bougre ; ils le traînèrent au sommet de la colline, et le pendirent à un peuplier d’Italie.
Depuis, la côte de la Vendage est devenue la Côte du Pendu. »
D'après « Les Contes du Brivadois » de Touana Bartan (Antoine Bertrand) - Editions René Borel à Brioude – 1934 – Traduction Albert Massebeuf.Autre version : Cohade – Le miracle du pendu Juin 2014
11 - AH CES COQUINS D’HOMMES !

« Elles étaient rassemblées quatre à l’Allier : la Delphine Blonde, La Gabrielle du Bedeau, la Marie Pompe et la Charmante Rosalie, un beau quatuor ! Quelles langues ! Si elles trempaient leurs chemises, elles rinçaient le pauvre monde.
>-« Voyez, si ce n’est pas malheureux, criait la Charmante, ces coquins d’hommes ont tous les avantages ! Lorsque nous souffrons tant et plus pour accoucher, ils sont calmes ! Ah, si c’était eux qui créaient, on ne les plaindrait pas ! »
-« Il y aurait du plaisir, dit la Delphine, on se régalerait ! ».
Comme la Charmante faisait son explosé, un vieil homme aussi long qu’un balai à four, sec comme une arête, s’était assis sur la gravière, à côté d’elle.
-« Vous vous plaignez, mes mies, si vous vouliez, je crois que j’aurais un moyen de vous satisfaire. Tel que vous me voyez, je suis saint « Gardinu », ma petite église, là-haut, vers les Bitoux, se démolit ; personne ne la fréquente, et mon curé meurt de faim ! Si vous pouviez m’envoyer du monde, sûr, je demanderai au bon Dieu de vous en être reconnaissant ».
-« Ah, dit la Charmante, en tant que saint, vous êtes bien un peu branlant, mais, si vous faites le miracle consistant à ce que le père ait des douleurs pendant que la mère accouche, je vous assure que votre église ne sera pas assez grande pour rassembler toutes les femmes et votre curé deviendra gras ! »
-« Patientez, je retourne vers le bon Dieu, et je lui dirai un mot. Demain, je vous donnerai la réponse ». >
Lorsque Saint « Gardinu » eut passé devant Saint Pierre, il alla à la rencontre du bon dieu, et il lui exposa les désirs de la Charmante et la Delphine.
-« Elles sont enceintes, près d’accoucher d’ici trois semaines ; la peur les étouffe, si elles pouvaient accoucher sans douleur, et que père souffre, je serai le meilleur ».
-« Carotte ! lui dit le Bon Dieu, je ne veux pas te le refuser, mais tu vas faire du beau travail ! Je t’attends le moment venu … »
Le lendemain, Saint « Gardinu » se rendit sur les bords de l’Allier pour informer les femmes que dorénavant ce serait le père qui aurait les douleurs, les lessives furent sans dessus dessous.
-« Maintenant, on va pouvoir s’en payer une tranche, ah, ces coquins d’hommes auront leur part ! Si vous ne mentez pas, brave saint, votre curé va être à la fête, il lui faudra un vicaire, c’est sûr ! »
Après trois semaines, la Delphine et la Charmante furent sur le point d’accoucher en même temps, elles avaient dû se donner le mot, qui sait !
Chez la Charmante, vous auriez dit la fête : elle, dans son lit chantait « La belle dijonnaise » et accouchait d’un garçon tel un porcelet : son mari riait tout en buvant le vin blanc sans retenue ! Mais en bas dans la cour, son bouvier, un montagnard fort comme un bœuf, qui s’était querellé avec le forgeron pour les faveurs de la Charmante, se tordait du mal au ventre et beuglait comme si on l’avait écorché :
-« Ah, tu ne m’y reprendras plus, tu iras fréquenter le forgeron si tu veux, je n’en veux plus, je n’en veux plus ! » >
Chez la Delphine, c’était de même, son mari, bien tranquille faisait bouillir la soupe ; elle, bien à son aise, sans se hâter accouchait d’une belle petite ; mais le Bedeau de la Gabrielle, au mois de Marie ne chantait pas les cantiques : il criait comme un perdu, et faisait pitié.
-« Aïe de mon ventre, aïe de mes reins ! Si cette gueuse me surprend à nouveau, je veux être pendu ! »
Sa femme, la Gabrielle lui bondit sur le poil et faillit l’étrangler.
Pensez si dans le pays on en fit des gorges chaudes ; on en parla durant six mois.
Les femmes contrariées s’en prirent à Saint « Gardinu » et le tancèrent.
-« Vite ! vite, faites un autre miracle, remettez les choses comme avant».-« Oui bien, si vous voulez, dit-il, mais ce ne sera qu’au profit de celles qui feront dire des messes par mon curé ».
Depuis, sa petite chapelle des Bitoux, qui semblait une cabane, est devenue plus importante que Saint Julien !... » >
D’après « Les Contes du Brivadois » de Touana Bartan (Antoine Bertrand) - Editions René Borel à Brioude – 1934 – Traduction Albert Massebeuf. Mai 2014
12 - LANGEAC - LE CHIEN DU CURÉ (LO CHIN DELH CURAT)

« On raconte qu’un curé de Langeac avait un chien qui était aussi intelligent qu’une personne.
Beauflair – tel était son nom – suivait son maître quand il allait se promener le long de la rivière, pour lire ses prières ; il savait où il fallait s’arrêter, se roulait dans l’herbe pour y faire un gîte, et le curé s’y assoyait comme un brave hommes qu’il était. Le chien voyait quand le soleil disparaissait par-delà le puy : alors, il se mettait devant son maître, comme pour lui dire : « Allons, lève-toi, brave maître ! Allons-nous en ! Il est six heures … »
Puis, en chemin, s’il rencontrait un autre curé, il allait le caresser en remuant la queue en crosse d’évêque. Si celui-ci avait un chien, ou, encore mieux une chienne. Beauflair n’oubliait pas de lui faire honneur à sa façon.
Mais personne ne savait pourquoi il n’aimait pas les nonnes. Il avait peur de ces choses blanches qu’elles portent sur la tête. Pour tout bonjour, il flairait leurs talons, comme s’il avait voulu la déchirer.
Ceci était arrivé à la supérieure du couvent, et, chaque fois, devant le monde : jugez quel ressentiment elle en avait gardé !...
La sainte femme se promit de se venger.
Un jour, elle laissa venir cette mauvaise bête de Beauflair dans le couvent et lui fit manger de la viande empoisonnée : Beauflair ne revint chez son maître que pour crever, le pauvre !
Le lendemain, le curé fut stupéfait de voir son pauvre chien étendu, raide, le ventre gonglé comme une outre.
« - Ah ! les coquins, disait-il, en pleurant, si je connaissais ceux qui ont fait dela, je les enverrais, tout droit, en enfer !... Va mon brave Beauflair, je t’enterrerai en terre sainte ; tu l’as bien gagné !»
Et la nuit, il s’en alla, en cachette, creuser un trou dans le cimetière, et y mit son chien.
Deux jours n’étaient pas écoulés, que les femmes, à la rivière, pendant qu’elles lavaient leurs draps et leurs mouchoirs, faisaient aller la langue plus que le battoir ! …Et Dieu sait, cependant, si les Langeadoises battent vite !
Il aurait fallu ouïr, aussi les béates et les dévotes, quand elles se trouvaient devant l’église :
« - Eh bien, finette, qu’en dites-vous de ce curé ?
- Ne m’en parlez pas pauvre Nanette … Nous autres qui aimons tant la religion ! … C’est un scandale ! »
Et les femmes s’en allaient en se signant.
Cela se dit tant, dans tout le pays, que l’évêque vint à le savoir, hélas ! et manda le curé. Il lui parla si rudement que vous auriez cru que le pauvre homme avait démoli l’église, et monseigneur commanda de la mener en prison.
« - Attendez, monseigneur, fit notre hommes, je ferai ma pénitence, mais j’ai quelque chose à vous dire … Mon brave Beauflair a fait, en mourant, un testament devant notaire, et il vous a laissé trois cents écus. Je viens vous les apporter : les voici ! »
En disant cela, il tira un sachet de toile et le jeta sur la table, devant la figure de l’évêque. L’évêque, qui était avare, ne parla plus de mettre le curé en prison, il se contenta de lui dire : « Allons, pauvre curé, je vois bien qu’on vous a calomnié. Allez-vous en, et trouvez un autre chien qui sache faire son testament … »
D’après Henri Gilbert « Les conteurs du Covize » - Imprimerie « La Haute-Loire » - 1953 Mai 2014
13 - L’ENFANT DU MIRACLE
« L’aîné de la Julie Trompette avait épousé l’Eléonore Canon, la nièce du curé d’Eglise-Neuve.
Pour être bien intelligent, le pauvre, il lui manquait quelque chose, mais il était beau comme un sous.
Un jour d’automne, mon gars, pour se faire bien apprécier de l’oncle curé, imagina de lui faire un présent, et lui apporta un lièvre.
- « Tenez, monsieur mon oncle, lui dit-il, vous nous avez mariés et nous n’avions pas donné de dragées ; je vous apporte ce lièvre, vous y avez droit, c’est un lièvre dû à un miracle. Il n’y a qu’un homme de Dieu qui puisse le manger ».
- « Que dis-tu garçon ? un lièvre du miracle ! Ne te moques-tu pas de moi, comme sil le Bon Dieu n’avait pas autre chose à faire que des miracles de lièvre ! ».
- « Puisque je vous le dis, ce lièvre est là par miracle, je ne vous mens pas. Jugez : hier j’étais à l’affût au sommet du puy de la Pèze, assis au pied d’un arbre, lorsque je vis venir à ma rencontre cette belle bête, dr…dr… elle cheminait sans se soucier de rien ! Je la vise, et mon fusil rate ! la capsule ne valait rien ! Eh, bien, vous pouvez me croire, j’ai failli m’évanouir : le lièvre tomba sec tout de même, si cela n’est pas un miracle, j’ y perds mon nom ».
- « Innocent, marchand de miracles ! cela n’est pas difficile à expliquer : bardot, quelqu’un avait tiré avant toi ! »
- « Pourtant, je n’ai pas entendu aucun de coup de feu ! »
- « Que tu l’aies entendu ou non, le coup a porté, et toi tu as ramassé le lièvre et en as profité ».
Mon garçon repartit en maugréant : « Si j’avais cru que ce ne soit pas un miracle, le curé ne l’aurait pas eu, je l’aurai vendu ».
Trois semaines plus tard, le voilà qui retourne chez le curé et lui crie de loin :
-« Ah ! pauvre monsieur mon oncle, il m’en arrive une bien belle, votre gueuse de nièce m’a donné, ce matin, un garçon gros comme un porcelet de cinq semaines ! Et pourtant il y a seulement quatre mois que nous sommes mariés. Que dites-vous de ça ? »
- « D’abord, je te défends de médire l’Eléonore, mon ami, si elle t’adonné un fils, c’est l’enfant du miracle ! Il n’ y a pas de quoi crier, le bon dieu en fait souvent de cette façon ».
-« Vous croyez que le Bon dieu n’a pas autre chose à faire que des prématurés ».
-« Il en fait souvent, tiens, rien que dans ma paroisse, il y en a bien trois ou quatre chaque année. Ne te plains pas, profite de cette sainte grâce du bon dieu, reçois ton fils, va le chercher, nous le baptiserons, ensuite nus ferons quatre heures ».
-« Pourtant, monsieur mon oncle, je ne peux pas croire le miracle de l’Eléonore Canon, il me semble que cela doit être pour le garçon comme pour le lièvre : quelqu’un aura tiré avant ! ».
D’après « Les Contes du Brivadois » de Touana Bartan (Antoine Bertrand) - Editions René Borel à Brioude – 1934 – Traduction Albert Massebeuf. Mai 2014
14 - LES DEUX PRÊTRES

« Le curé de Combanière, d’ordinaire aussi pauvre que le sommet de Mazerat, avait célébré deux mariages et trois enterrements de première classe, cela lui avait redonné de la vigueur. De savoir qu’il avait quelque argent dans son tiroir, l’avait mis en émoi ; il n’avait jamais quitté sa paroisse, et pour s’offrir un peu de loisir, il décida de faire un court voyage.
A la pensée qu’il allait voir d’autres horizons, d’autres gens, et encore d’autre gens, il marmonnait et bousculait sa servante, pour lui préparer son maigre bagage.
L’Adélaïde manifestait sa mauvaise humeur à la pensée de rester seule, mais comme il lui promettait de lui rapporter quelque bonne chose de plaisant, elle lui remplit sa besace de jambon, de saucisse, de liche et un baril de trois pintes.
Le Claude, le fils aîné du charron , qui conduisait un veau au marché, chargea notre curé sur son véhicule jusqu’à la gare.
Il ne risquait pas de manquer le train ! Il y fut deux bonnes heures à l’avance ; mais lorsqu’il fallut monter, peut s’en faut qu’il le laissât partir, tant il était encombré par son bréviaire, sa besace et son manteau ; sans un brave homme, assis dans le wagon qui lui donna la main pour tout entrer, il demeurait sur le quai.
Enfin, il partit, et, tout en remerciant l’homme qui l’avait si bien aidé, il se mirent à causer pour tuer le temps.
- « D’où êtes vous ? lui demanda l’homme.
- « Je suis curé à Combanière, une pauvre petite localité, mais des braves gens, et vous d’où êtes-vous ? »
- « Je suis aussi curé de Côte-Chaude, mais je ne vénère pas le même dieu, je suis rabbin ».
- « Qu’est ce que cela fait , cela n’empêche pas d’être de bon vivre et de se faire bonne grâce ».
Et les voilà d’accord, comme deux vieux amis.
Il était midi passé, quand le Combanérien sentit la faim, il ouvrit sa besace, et en sortit un bon casse-croûte.
- « Dites collègue , il faut dîner, prenez ce qui vous fera plaisir, un gros morceau de jambon, une saucisse ? »
- « Je vous remercie, je vois que c’est offert de bon cœur, mais je ne peux pas y goûter ».
- « De quoi ? Vous voulez vous faire prier : tenez, goûter cette saucisse de paysan, sèche et raide comme un atteloir, c’est de ma truie, je vous la recommande »
- « Vous faites cela pour quelques chose, pour sûr ? »
- « Oh non pas, mais mon dieu me l’interdit »
- « Vue d’âne, en voilà une belle, vous vous moquez de moi ? »
- « Oh non, notre Dieu ne veut pas que nous mangions de la viande de porc ».
- « Je vous plains ! Si vous saviez quels bons moments on passe, avec une saucisse ou une andouille, devant un pichet de vin blanc ! tout est bien, il me semble que le Bon Dieu, me lèche l’âme. Ma foi, je mange, tans pis pour vous »
Et le Combanérien dîna correctement, puis il sortit une pipe comme un sabot et reprit la conversation.
Ce fut de courte durée, l’autre entreprit de rassembler ses bagages, prêt à descendre.
- « Me voilà arrivé, nous sommes à Côte-Chaude, je vois ma famille qui m’attend, ma petite femme est en tête, combien de baisers va-t-elle recevoir ! Allez au revoir collègue, complimentez la vôtre ».
- « La mienne ? je n’en ais pas ».
- « Pourquoi ? Vous n’avez pas pu en trouver une , »
- « Ça n’est pas ce qui manque, mais mon Dieu me l’interdit ».
- « Que me dites vous là ? Et bien, elle est bien bonne, eh bien ! votre Dieu est mal avisé. Ah ! je vous plains ; si vous saviez quels moments cela fait passer ! »
D’après « Les Contes du Brivadois » de Touana Bartan (Antoine Bertrand) - Editions René Borel à Brioude – 1934 – Traduction Albert Massebeuf. Mai 2014
15 - LE PONT DE ROUSSEIL
« La route de Vieille-Brioude à la Voûte-Chilhac et Langeac est une des plus pittoresques de la région. Près de la première localité elle fait un brusque détour et traverse un ravin qui aboutit à l’Allier. L’isolement du lieu est complet et n’y a pour le troubler que le cri de l’épervier ou le mugissement de la rivière quand elle est dans ses jours de colère. A droite et à gauche, devant et derrière, ce ne sont que rochers austères et abîmes profonds.
C’est le royaume des « fadets ».
Ils se présentent quelquefois sous les traits de vieilles fileuses accroupies en bordure du parapet, mais la forme qu’ils revêtent de préférence est celle de jeunes filles d’une idéale beauté et dont les longues tuniques blanches s’agitent au souffle du vent.
Ces personnages dansent toute la nuit, décrivant de grands cercles qui vont en se resserrant. Aux premières lueurs de l’aube, leur troupe légère se rapproche de l’Allier et s’évanouit peu à peu dans la brume matinale de la vallée…
Si un humain s’aventure en ces lieux après le crépuscule, il est entraîné par une force invincible dans la ronde et doit sans répit participer aux ébats de la troupe. Se montre-t-il aimable ? Il est comblé de prévenances, et on lui fait escorte jusqu’à la sortie du pont : il aura du bonheur toute l’année. Est-il maussade ? Il sera l’objet de sévères brimades et retenu jusqu’à ce qu’il tombe d’épuisement ou de frayeur.
Les dames de Rousseil sont en effet des justicières parfois.
Malheur à ceux dont la conscience n’est pas nette : on les retrouvera le lendemain mourants ou étendus sans vie sur le bord du chemin !
Il paraît qu’un mauvais prêtre préside à ces scènes nocturnes, mais les paysans assurent qu’il s’agit du diable…
Le voisinage du pont moderne semble avoir inquiété les « fadets » . Ils paraissent moins souvent, mais l’endroit est resté malfamé et les bonnes femmes passant par là de nuit n’oublient pas de réciter des prières tout en regardant vers l’Allier si, de la rivière, ne montent pas les dames aux voiles immaculés qui les saisiraient dans les larges plis de leur robe pour les entraîner dans l’infernale sarabande. »
D’après Ulysse Rouchon – Légendes et diableries de Haute-Loire (Velay) – Gilbert Laconche – Collection Histoire en France Mai 2014
16 - SAUGUES - LE GOUR DE L’ENFER
« C’était il y bien longtemps. Au village de la Ribeyre, près Saugues, vivaient une dizaine de familles de pauvres paysans, ayant chacun quelques vaches et un cochon sacrifié dans l’allégresse, car il devait nourrir la maisonnée tout au long de l’année. Pauvres, sans envie, ils vivaient heureux, s’entraidant dans les moments de presse. La vie coulait calme, simple au rythme des saisons inégales sur ce haut plateau battu par les vents, jalonnée par les joies des naissances et les douleurs des décès.
Les dimanches, les femmes partaient les premières à la messe à Saugues, revenant assez tôt pour préparer le repas de midi, le dîner.
Dès le retour de leurs épouses et filles, les hommes se rendaient à la paroisse pour l’autre messe, la messe des hommes, avec la perspective attendue de passer ensuite quelques quarts d’heure au cabaret où ils discuteraient invariablement du temps, des récoltes, du prix du bétail.
Seul restait au village l’Antoine Tournevent, grand gars robuste et hardi qui ne mettait les pieds dans une église que pour les enterrements. IL était l’esprit fort du hameau et s’efforçait de retenir sa femme à la maison, la Mélanie, belle sous sa coiffe de dentelle, sage comme un sainte et qui n’oubliait jamais de laisser pendre à son cou une petite croix d’argent. Elle souffrait de ne pouvoir se joindre aux autres femmes et, se soumettant avec douceur à la tyrannie de son seigneur et maître, elle priait dieu en cachette.
Un dimanche, alors que tout le village se reposait par une tradition que l’on savait néfaste à qui la transgresserait, l’Antoine décida, par bravade, d’atteler ses vaches au char pour aller ramasser le foin de son pré du Gour.
La Mélanie eut beau lui dire qu’il leur arriverait un malheur, que le jour du Seigneur était sacré, rien ne put convaincre l’Antoine d’abandonner son projet.
A peine avaient-ils commencé de charger leur foin que les vaches se mirent à reculer dans la direction du Gour. L’Antoine, les mains accrochés au joug, malgré toute sa force ne pouvait les retenir. Et le char reculait toujours. L’Antoine jurait, la Mélanie, effrayée, criait, implorait Dieu. Et le char reculait toujours. De plus en plus apeurée, la Mélanie, voyant approcher le Gour, sauta du char. Il était temps. On entendit un ricanement ; une main griffue et rouge – la main du diable- sortant de l’eau étreignit une roue et tira. Le char, les vaches, l’Antoine toujours agrippé au joug, tombèrent dans le gour à grand fracas, à grandes éclaboussures. On ne vit plus ni d’homme, ni vache, ni char. La Mélanie tout en pleurs vit l’eau se refermer et sa surface devenir un miroir scintillant. Le diable avait réussi à attirer dans son antre celui qui se croyait plus puissant que les forces éternelles.
Depuis, certains jours, quand le soleil marque midi, on aperçoit l’Antoine sous l’eau du Gour. Il crie au secours et demande pardon. Mais le diable, qui le torture par l’espérance, lui laisse admirer le ciel et le soleil quelques instants, puis l’entraîne à nouveau dans son domaine dont nul n’est jamais revenu. Et l’eau redevient un miroir, porte calme et trompeuse de l’enfer. »
D’après Louis Amargier « Histoires et Légendes de l’Auvergne mystérieuse ». Avril 2014
17 - VOREY – LA DERNIÈRE MESSE DU CURÉ BOYER
« Minuit sonnait à l’horloge communale de Vorey. Tout reposait dans le bourg. Le silence n’était interrompu que par les aboiements d’un chien dans le « creux » de Chambeyron et par le cri monotone d’un oiseau nocturne perché sur les noyers de la Vialle. Maurice, sacristain de la paroisse, dormait d’un profond sommeil, lorsqu’un coup violent frappé à sa porte le réveille en sursaut. Il écoute : une voix bien connue, celle du curé Boyer, décédé depuis huit jours, vient frapper à son oreille. Il s’habille à la hâte ; mais à la vue de son ancien curé, il ne peut maîtriser un mouvement d’effroi.
« - Rassure-toi, Maurice, lui dit l’apparition, je n’ai pas quitté l’ autre monde pour tourmenter les mortels ici-bas. Descendu sur cette terre pour accomplir un devoir auquel le salut de mon âme est attaché, me rappelant ton ancienne affection pour moi, je suis venu pour te demander un service. Il faut que je célèbre une dernière messe dans l’église de Vorey : j’ai compté sur toi pour la servir. Accompagne-moi malgré l’heure insolite, à l’église paroissiale. Il me reste toutefois une double recommandation à te faire : ne détourne la tête sous aucun prétexte durant le saint Sacrifice et ne soulève pas ma chasuble au moment de l’élévation, contrairement à l’usage suivi jusqu’à ce jour. »
Sur la promesse du sacristain de se conformer en tous points aux désirs du curé, tous deux se dirigent vers le sanctuaire. Les cierges brûlaient sur l’autel. Au moment où revêtu de ses vêtements sacerdotaux, le prêtre prononçait l’introibo al altare Dei, les portes de l’église s’ouvrirent à deux battants et une foule nombreuse, munie de flambeaux, prit place dans la nef, les chapelles et la tribune.
Un silence glacial planait sur cette multitude. On eut dit que les assistants étaient muets. Le sacristain, oublieux des recommandations du curé, agitait déjà sa clochette et soulevait la chasuble, lorsqu’un jet de flammes l’éblouit et l’obligea à retourner involontairement la tête.
Un spectacle inattendu le glaça d’horreur. Il avait sous les yeux tous les trépassés inhumés dans le cimetière de Vorey. Drapés dans leurs suaires, ils étaient tous présents, depuis l’enfant jusqu’au vieillard. Le linceul qui les enveloppait ne laissait à découvert que des cranes vides, aux orbites béants, au rictus sinistre. Maurice, frappé de terreur, s’affaissa de lui-même. Peu de temps après, le prêtre prononçait l’ ita missa est : tout disparut, les cierges s’éteignirent, les morts rentrèrent dans leurs tombeaux, et le sacristain, revenu de son évanouissement, se trouva seul dans l’église qu’éclairaient les pâles lueurs de la lampe du sanctuaire. »
D’après Adrien Lascombe « Velay et Auvergne – Contes et Légendes » recueillis par Régis Marchessou – Imprimeur - Éditeur 23, boulevard Carnot au Puy en Velay (1903)
Avril 2014
18 - BRIOUDE – JEAN DE LA BRUCHE ET LE CURÉ DE SAINT-PRÉJET
« Le père Bruche qui avait été fabriquant de bacholles sur la place du Valla mourut de la petite vérole. Il y a quatre matins de cela.
Il laissait un bel héritage et des écus à profusion. Le Jean, son aîné, lui fit faire d’honorables obsèques. Les pénitents de toutes les paroisses, les capucins, les moines des Olliers, et des sœurs et des prêtres ! Jamais il s’était vu un pareil enterrement ; tous ne purent trouver place dans l’église, la bonne moitié demeura dehors, sur la place du Valla.
Lorsqu’il fallut payer, Jean s’en alla chez le curé et y laissa un bon fond de chaussette d’écus.
-« Maintenant, monsieur le curé, il me semble que mon pauvre père doit avoir une place de choix en Paradis ».
-« Que dis-tu là, mon Jean ! Il est tout juste en purgatoire et encore qui sait ! C’était un bien brave homme, bon voisin, toujours prêt à rendre service, mais …, on le voyait plus souvent chez la Pélatan, qu’à la grand’ messe du dimanche, il s’enivrait un peu et lorsqu’il rentrait son troupeau, le soir, il regardait souvent du côté opposé, et ses brebis envahissaient les champs voisins. Tout ça se paie, mon pauvre ami. Il doit être au purgatoire, je le crois bien, mais pour être en Paradis, pas sût ! Va, il y en a pour longtemps avant qu’il ne franchisse le portail de Saint Pierre ».
-« Oh, pourtant, monsieur le Curé, cela me fait de la peine de penser, qu’en ce moment mon pauvre père souffre comme vous le prétendez, et alors, il n’y a rien à faire ».
- « Je n’ai pas dit çà, si tu lui faisais dire des messes, cela pourrait réduite la durée du séjour ».
-« Il en faudrait beaucoup ? »
-« Je ne peux pas te le dire au juste, mais cela pourrait atteindre les six douzaines ».
-« Fichtre, cria Jean, il faut qu’il soit bien au fond, pour le saisir énergiquement pour l’en tirer ! Enfin, s’il faut en venir là ! Mais auparavant, je veux avertir mon Isabeau, et si cela ne lui déplaît pas, je vous porterai l’argent nécessaire. Cela coûtera environ combien ? ».
-« A quatre-vingts sous pièce, cela doit faire une quarantaine d’écus, j’lai mal compté » dit le curé.
-« Au plus juste ? »
-« Vous ne voudriez pas marchander , »
-« Eh bien, si l’Isabeau, ne fait pas trop la grimace, je viendra dimanche prochain. »
-« Convenu, viens après la grand’messe, nous dînerons tous les deux, je dirai à la Jeanne de faire un pâté gras, elle mettra une grosse poule dans la marmite, et cela fera passer un agréable moment ».
Le dimanche, le Jean n’omit pas après la messe, quand les fidèles furent dispersés sur le Postel, de s’installer chez le curé.
La Jeanne n’avait pas son équivalent pour faire un repas, aussi nos deux hommes furent heureux, le Jean avait fait le bouton de son gilet.
Le curé était si heureux qu’il dit à la Jeanne : « Allez nous chercher une chopine de celui des bonnes âmes du purgatoire ».
Lorsque le Jean eut goûté une lampée, il fit : « Vous avez là ce qu’il ya de mieux comme vin, je n’en ai jamais bu d’aussi bon : en comparaison, avec mon Mazerat, il ne ressemble qu’à de la piquette ! Et c’est celui des bonnes âmes du purgatoire ? »
-« Oui, dit le Curé, en riant dans sa barbe, c’est leur récolte de l’année ».
-« Et les bonnes âmes boiront ce vin ? »
-« Oui, répéta le curé ».
-« Sûr, monsieur le curé ? »
-« Comme je te le dis ».
-« Oh, alors mon pauvre papa qui aimait tant le bon vin n’est pas à plaindre, il doit se régaler, il doit être à l’aise comme un barbeau dans l’Allier ! Ce serait lui faire une mauvaise farce de l’en sortir ! Patientez, patientez, monsieur le curé ; pour les messes, je reviendrai l’année prochaine, après les vendanges, et nous jugerons ce que sera le vin de la nouvelle récolte ».
Le curé eut fini de rire ».
D’après « Les Contes du Brivadois » de Touana Bartan (Antoine Bertrand) - Editions René Borel à Brioude – 1934 – Traduction Albert Massebeuf. Avril 2014
19 - LAUSSONNE - LA LÉGENDE DE SAINT FLORENT
« Une légende populaire rapporte que saint Florent et saint Fronton évangélisaient ensemble les montagnes du Velay.
Ils étaient de passage à Laussonne, lorsque saint Florent mourut presque subitement. Saint Fronton l’ensevelit à l’endroit où s’élève actuellement sa statue.Le tombeau de saint Florent fut longtemps ignoré des habitants de Laussonne. Sa découverte est due à une brebis de Lherme, village voisin, qui venait journellement manger les fleurs et l’herbe qui croissaient en toute saison sur la tombe de ce saint.
Des gens suivirent sa trace et là où elle s’arrêtait, ils creusèrent le sol. Ils découvrirent un tombeau en lauzes qui renfermait le corps de saint Florent, lequel fut porté en grande pompe à l’église de Laussonne.
A l’emplacement du tombeau, on éleva une croix. Mais un nommé Julien, propriétaire du terrain, transporta la croix à l’extrémité de son champ.
Or, il arriva ceci : tant que la croix ne fut pas à sa place primitive, il ne tomba pas une goutte d’eau dans la commune de Laussonne, tandis qu’il pleuvait normalement dans les communes avoisinantes.
Le peuple, furieux d’une telle calamité et d’une si longues sécheresse, en accusa Julien, fut le trouver et lui dit en patois :
« Julien le patouilloux, mouonto ta croux
Ou té souveindras de nous aoutrés.. »
Ce qui veut dire :
« Julien le sale, remets à sa place la croix de ton champs ou tu te souviendras de nos vengeances. »
Julien remit la croix sur le tombeau de saint Florent et la pluie se mit aussitôt à tomber en abondance.
Aujourd’hui, on invoque saint Florent quand on désire la pluie ou le beau temps.
Les habitants de Laussonne sont heureux d’avoir un saint Florent ! »
D’après J.P Meysonnet « Velay et Auvergne – Contes et Légendes » recueillis par Régis Marchessou – Imprimeur - Éditeur 23, boulevard Carnot au Puy en Velay (1903) Avril 2014
20 - ARRÊTÉ DEPUIS PLUS D’UNE SEMAINE, UN MANŒUVRE EST EN ROUTE … POUR PURGER 48 HEURES DE PRISON
« Brioude – 30 mars 1927 .
La semaine dernière, à Lempdes, le manœuvre Chamard qui avait à purger une contrainte par corps, était appréhendé. Il s’agissait de la conduite en prison où il devait demeuré … deux jours. Or, depuis que la réforme judiciaire a été appliquée, la geôle la plus proche est celle du Puy.
Transférer Chamard dans cette ville par le train, les gendarmes n’y pouvaient songer : les voyages en chemin de fer sont si chers. Celui-ci n’eût pas coûté moins de 165 francs…
Voila donc notre homme emmené de brigade en brigade et, solidement escorté, faisant la route à petites journées. Il y a bien loin de Lempdes au Puy et le chemin n’est pas toujours facile. On se passa bien Chamard de Brioude à Lavoûte-Chilhac et Lavoûte à Langeac, mais on fut pour le confier aux gendarmes de Loudes, ceux-ci ne vinrent pas au rendez-vous. Et pour cause ; il y avait soixante centimètres de neige sur le plateau du Velay…
Et du coup, Chamard est resté en panne devant le mur de neige : depuis qu’il est arrêté, il y a beau temps que les deux jours de contrainte sont passés – et qu’il devrait être libéré. Mais la consigne est la consigne. Tout doucement, Chamard finira bien par arriver, un jour ou l’autre au Puy ».
D’après Le Petit Parisien – Édition du 23 mars 1927
Avril 2014
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