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Commencée il y a une vingtaine d'années, cette généalogie réunit plus de 50 000 individus. Près de 19 000 ascendants directs ont été recensés.

Mes recherches relèvent de la tradition généalogique (documents familiaux, Mairies, Archives Départementales) et se sont complétées au fil du temps par les réseaux  que sont les cousinages, les forums, les membres de Geneanet,  les  échanges fructueux avec d'autres passionnés et de façon non négligeable que sont  les sites  privés ou  détenus par les associations.

A l'instant,  la machine à remonter le temps est placée  au niveau de « Berthe Au Grand Pied » et à Pépin Le Bref  non sans avoir cité  Rollon Ier de Normandie qui nous vient du peuple viking.

Cette généalogie est complétée par des apartés thématiques liés au contenu de ma chronique familiale.

Que soient remerciés, ici, celles et ceux qui m'aident dans la réalisation de cet Arbre Généalogique, ils sont cités dans mes sources.

 Chronique familiale



  LES CARNETS DE TANTE ANAÏS : RÉCITS, MYTHES ET TRADITIONS …
Chapitre 9


PLUS DE 300 TEXTES EN LIGNE

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Chapitre 1fleche._Simple_G.gifChapitre 2 fleche._Simple_G.gifChapitre 3 fleche._Simple_G.gifChapitre 4 fleche._Simple_G.gifChapitre 5 fleche._Simple_G.gifChapitre 6 fleche._Simple_G.gifChapitre 7 fleche._Simple_G.gifChapitre 8 fleche._Simple_G.gifChapitre 9 fleche._simple_Bas.gifChapitre 10 fleche._simple_D.gifChapitre 11 fleche._simple_D.gifChapitre 12 fleche._simple_D.gifChapitre 13 fleche._simple_D.gif Chapitre 14 fleche._simple_D.gif Chapitre 15 fleche._simple_D.gif


Sommaire

 1 - IL S’EST ÉCHAPPÉ


L_etameur.jpg« Dans le pays de Saint-Chély (il y a presque cent ans), la maréchaussée passait son temps à travers le pays, le jour et la nuit, pour arrêter un assassin, un Lapiada, aussi féroce que la bête du Gévaudan.

Les gens qui fréquentaient les foires avaient rencontré plusieurs fois ce mandrin, et plusieurs pour avoir voulu sauver sa bourse y avaient laissé la peau.

Aussi, lorsqu’on l’eut arrêté et incarcéré, ce fut un soulagement dans la région.

Il y avait à peine guère plus d’un mois qu’on l’avait enfermé , lorsque le rétameur de Saint-Flour, qui avait la réputation de faire un écu de cinq francs avec une cuillère d’étain, vint à passer.

Avant de se rendre à Grandrieu, il s’était assis au bord du chemin pour casser la croûte, et, au moment où il embrassait sa chopine, Jean, le piéton, ne refusa pas de l’embrasser lui aussi. Ils se mirent à deviser.

Ils allaient se séparer lorsque l’étameur dit « Alors, c’est tout ce qu’il y a de nouveau ? »

- « Pas plus, répondit Jean, ah pauvre ! il s’est échappé ! » et il se sauva en courant…

Voilà l’étameur assis au coin de la halle de Grandrieu, et, tout en actionnant son soufflet pour fondre son étain, il a rassemblé un grand nombre de femmes, qui jacassent, et piaillent tant et plus.
- « Et bien ! bel étameur, c’est tout ce que vous avez de neuf à nous apprendre, vous n’êtes pas riche en nouvelles cette fois-ci ? »
- « Que voulez-vous que je vous dise, pauvres mies, je n’ai rencontré que le piéton, il ne m’a pas dit grand-chose, il s’est sauvé en courant et criant : « Il s’est échappé ».
- « Il s’est échappé ! Ah brave Bon dieu, il s’est échappé » et voilà mes cadettes qui se sauvent en courant pour s’enfermer.

Mon étameur, étonné, pensa : les femmes de Grandrieu ont perdu la raison !

A ce moment, les gendarmes qui lui portaient des éperons à faire étamer comme de coutume, l’interrogèrent eux aussi sur ce qu’il y avait de nouveau par là.
- « Oh ! peu de chose … j’ai rencontré le piéton, il m’a simplement dit : il s’est échappé ».
- « Il s’est échappé » crièrent-ils et les voilà qu’ils partent en courant vers l’écurie, sautent sur leurs chevaux, et ventre à terre, vont d’ici de là en criant : « Nous l’arrêterons, nous l’arrêterons ».

Le tambour passa : « rataplan, rataplan, il s’est échappé, enfermez-vous, il s’est échappé ! ».

Ma foi, le rétameur prit peur, il se sauva en direction de la chez la Chanterelle où il logeait et se barricada.
- « Enfin, dites-moi, Marie qu’y a-t-il de si épouvantable pour que tout le monde aille se cacher lorsque je dis : il s’est échappé ».
- « Ah, mon pauvre ami, ce gueux de Lapiada, s’est évadé ? Ah on a pas fini d’en voir ! Qui sait combien de personnes tuera ce coquin ? »

A ce moment le piéton rentrait chez lui, étonné de trouver les rues désertes, et il s’assit chez la Marie Chanterelle pour boire un coup.

Le rétameur qui était assis près de la cheminée l’interpella : « Dis Jean, tu n’as pas peur ? Il s’est évadé, et toi tu lambines dans les chemins ».
- « Qui s’est évadé ? demanda Jean ».
- « Et pardi, le Lapiada : c’est toi qui me l’as dit ».
- « Le Lapiada ! je te l’ai dit ? Ah carotte, bardot de bardot ! Lorsque nous plaisantions, il y en a un qui m’a échappé ; je serrais, mais mon « locataire » voulait démanger impérativement et je croyais que tu l’avais entendu partir ! »
- « Bon sang, il a « peté » plus fort que le tonnerre …tout le pays s’est caché » .

D’après « Les Contes du Brivadois » de Touana Bartan (Antoine Bertrand) - Editions René Borel à Brioude – 1934 – Traduction Albert Massebeuf.

Février 2016



 2 - LE LOUP-GAROU DE DIGNAC

loup_garou.jpg
« Un jour à Dignac (Commune de Roche en Régnier – Sembadel), on vit apparaître un loup enragé. Les pâtres ne pouvaient coucher dans leur cabine, personne n’osait coucher dans les chabones. Un homme de Dignac nommé Breymand dit qu’il irait coucher à son parc avec son berger. Dans ce but il fabriqua un mannequin en paille et armé d’un pistolet et d’un paradour (Instrument servant à faire des sabots), il se rendit au parc avec son berger.

A peine dans leur cabane, c'est-à-dire une heure après environ, ils virent paraître le loup. Ils avaient placé le mannequin près de la porte de la cabane ; le loup après avoir mis en pièces le mannequin s’approcha de la porte de la cabane et Breymand allongeant son bras s’apprêtait avec son pistolet à faire feu sur lui. Le loup saisit le pistolet et le jeta loin de lui. Alors Breymand saisi de frayeur dit à son berger : Tiens bien les couvertures afin que le loup ne les enlève pas ; nous sommes perdus : Sainte Vierge du Puy, dit-il, je vous donne mon pesant de cire si vous me préservez des atteintes de cette bête féroce.

Alors, réconforté par cette prière, il s’arma de son paradour et en frappe sur la tête du loup qui tombe expirant devant la cabane. Sitôt le loup mort, on le laissa jusqu’au lendemain matin sur le champ, mais la population de Dignac vint le lendemain au point du jour voir la bête et vit que le paradour était enfermé dans la tête du loup. Alors on fit la quête pour avoir tué le loup, ce qui se fait dans les parages lorsqu’une personne en a tué un. Cette quête à laquelle tout le monde participa avec empressement fut très fructueuse. Breymand vint au Puy immédiatement accomplir le vœu qu’il avait formé. »

D’après Ulysse Rouchon , Contes et Légendes de la Haute-Loire – Crépin-Leblond éditeur à Moulins (1947)


Février 2016



 3 - LES VOGUES


La_fete_foraine.jpg« Durant la belle saison, c’est la période des fêtes patronales ou locales. Ces réjouissances sont habituellement désignées sous le nom de « vogues » ; tel est le cas pour les fêtes rurales de la région brivadoises.

Ces vogues, autrefois si rustiques , ont tendance à se transformer par suite des progrès de la vie moderne et de la multiplicité des fêtes urbaines.

Quelques usages anciens subsistent cependant dans nos communes à l’occasion de la vogue annuelle.

Avant la fête proprement dite, les jeunes gens de la classe, grands organisateurs des réjouissances publiques, parcourent les villages et hameaux pour faire « la quête » traditionnelle ; précédés du drapeau et accompagnés de musiciens, violoneux ou autres, ils s’arrêtent devant chaque maison, tirent parfois un coup de fusil « en l’air du temps » pour saluer les habitants de céans et recueillent les offrandes dont le produit servira à solder les frais de la fête, y compris les repas des conscrits et des musiciens.

Le matin de la vogue, ils assistent à la grand-messe et à la procession au cours de laquelle est portée la statue du saint patron, orné de pampres et de grappes de raisins lorsque ces derniers ont mûri.

A midi a lieu le repas familial ; à cette occasion, les membres de la famille les plus éloignés ont été invités pour partager dans l’intimité du foyer le menu abondant et délicatement apprêté par la maîtresse de maison : tête de veau, pâté gras, civet de lapin, pommes de terre « en gargaillou » ou légumes du jardinet, volailles et surtout la série interminable de tartes aux fruits ; le tout arrosé de bon vin de la Limagne, aux crus renommés.

Le repas terminé, on se rend au bourg ou chef-lieu de la commune ; les vieux s’installent au « bistro » pour deviser « du temps jadis » ; les jeunes tournent éperdument sur le plancher du bal jusqu’au petit jour ; souvent, dans ces rondes endiablées, s’ébauchent des projets de mariages. Les enfants se groupent autour des attractions, tirs, manèges moderne, pétanque, cirques, mât de cocagne, jeux divers, marchands de jouets. Le lendemain, courses de vélos qui mettent en vedette des mollets jeunes de la région ; on donne des prix aux premiers et même au dernier d’avoir « tenu le coup » jusqu’au bout.

Dans plusieurs endroits, on « remet ça » au dimanche suivant pour la « reboule ».

Et puis chacun rentre chez soi, la bourse un peu dégarnie, mais les commerçants ne s’en plaignent pas, au contraire. »
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D’après Abbé Julien Lespinasse – Chroniques du Brivadois – Un peu d’histoire locale – Edition « Almanach de Brioude » - 1965

Février 2016



 4 - SAINT GEORGES, PREMIER ÉVÊQUE DU PUY

SaintGeorge_Et_LeDragon.jpg
« Le premier évêque du Puy, un certain saint Georges, ayant eu connaissance des merveilles qui s’y accomplissaient, escala la montagne d’Anis. On était en été, et grande fut sa surprise de voir le pic enneigé, puis un cerf « élancé » y tracer de ses foulées le plan du sanctuaire qu’on projetait de bâtir à la gloire de la Vierge. Saint Georges marqua le tracé en y plantant des bâtons d’épine. Mais ce bon saint mourut avant de pouvoir mener à bien le projet. Beaucoup plus tard, un de ses successeurs, saint Voy, fit la même ascension, curieux lui aussi des miracles dont on l’avait prévenu. Et il vit que les bâtons plantés par saint Georges étaient couverts de roses en fleurs. Ainsi serait né l’ancien sanctuaire.

Alors, Scutaire et saint Vosy partirent pour Rome, quérir les reliques dignes d’authentiquer le sanctuaire. Chemin faisant, ils croisèrent deux vénérables vieillards tout de blanc vêtus, portant des cassettes qu’ils confièrent à l’évêque avant de disparaître. On trouva dedans des reliques que l’on porta en grande pompe à l’église du Puy dont les portes s’ouvrirent toute seules devant la procession, tandis que les cloches s’ébranlaient sans carillonneur »
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D’après Gilbert Conche - « Légendes & Diableries de Haute-Loire »

Février 2016



 5 - LE MIRACLE DE LA PUCELLE

Rocher_Saint_Michel.jpg


« Une jeune fille du Puy, injustement accusée d’avoir failli, prit, dieu, Notre-Dame et le glorieux archange saint Michel, à témoin de son innocence ; mais comme on semblait ne pas la croire, elle dit à ses accusateurs de la suivre, monta au sommet du rocher Saint-Michel, fit à haute voix une prière dans laquelle elle demandait au messager céleste de venir au secours de sa virginité ; puis, certaine que l’ange la soutiendrait mystérieusement de ses ailes, elles s’élança dans les profondeurs de l’abîme sans se faire le moindre mal.
Elle recommença deux fois encore ; seulement à la troisième elle se tua, parce qu’il avait été évident que pour la foule assemblée qu’elle parut douter de la protection toute puissante dont elle avait été l’objet. »

D’après Francisque Mandet - « Velay et Auvergne » - Contes et Légendes recueillis par Régis Marchessou Imprimeur –éditeur au Puy en Velay – 23 Boulevard Carnot – 1903

Février 2016



 6 - LE DÉMON DE RACLE-COUENNE


BARBIER.jpg« Au temps où le Bon dieu allait à l’école – ce n’est pas d’hier – Jean Racle-Couenne tenait boutique de barbier au coin de la rue des Petites Tueries ; il avait épousé la Jeanne Ramasse tout, une cadette qui n’avait pas froid aux yeux, ni ailleurs, et qui le faisait marcher comme pas un.

Un soir d’août, où il s’était attarder à bavarder avec trois ou quatre personnes qui « stéiaient » du chanvre, trouva à son retour, un homme assis dans la boutique : maigre comme un coucou, noir comme une corneille, long comme un balai de four, avec des yeux étincelants et des serres comme une buse.
- « La barbe ! » dit l’homme, et Jean, étonné ne dit mot, alluma son chaleil, alla chercher son bassin d’étain, son savon et une serviette comme un linceul, lui mit le bassinet sous le nez, noua la serviette et commença à savonner.
Lorsqu’il eut frotté un bon moment, il se hasarda de dire : « Votre poil est rude ! »
- « Frotte ! lui répond l’autre, frotte, ne te détourne pas ton savon, et vas-y, pas plus ! »
Mon Jean frotta, mais baste, frotte que tu frotteras, le poil de l’homme était toujours rude.
- « Frotte, disait l’autre, frotte toujours, autrement je te tue ».

Jean frottait, il aurait voulu être un escargot, rentré dans sa coquille, il ne sentait plus son épaule, ses genoux flageolaient, il était mouillé de sueur, son estomac se contractait, la peu le paralysait.

Tout à coup, quatre éclairs, un gros coup à la mâchoire, et le Jean se trouva dans son lit à côté de la Jeanne qui lui servait une raclée de première grandeur :
- « Fainéant, bricoleur ! il y a deux heures que tu souffles comme un matou et que tu me fais la chatouille, je te ferai cesser ».
- « Aïe ! grand merci, Bon dieu, cria Jean, Je dormais, j’ai rêvé , et sûr, si je n’ai pas frotté le démon, j’ai surement frotter le … ! »

D’après « Les Contes du Brivadois » de Touana Bartan (Antoine Bertrand) - Editions René Borel à Brioude – 1934 – Traduction Albert Massebeuf.

Janvier 2016



 7 - LE LUTIN


LUTIN.jpg « La croyance aux lutins, croyance d’ailleurs très vague et très imprécise remonte probablement aux temps du pagnisme, époque où les peuples, surtout dans les campagnes, croyaient à la multiplicité des dieux, et admettaient des divinités de second et troisième ordre, les unes favorables, les autres hostiles.

Pour les populations de la Haute-Loire et de l’Ardèche, on peut même dire que tout le plateau central, le lutin était un être mystérieux, un peu dans le genre des fées. Il pouvait à sa guise, prendre toutes les formes. En général, il n’était pas méchant ; mais il se plaisait à faire des farces aux hommes et à leur jouer des tours plus ou moins pendables, surtout quand les hommes avaient bu un peu trop.

Deux hommes du village des Sauvages s’en furent, un dimanche à Coucouron. Ils s’attardèrent en divers cafés, et quand ils repartirent il était nuit noire. Jusqu’ à Langougnole, tout alla bien ; mais une fois la rivière passée, ils eurent l’impression qu’ils étaient suivis. De temps à temps, ils entendaient des chuchotements et des rires : d’autres fois, c’était un bruit de galop, et ils s’empressaient de se garer pour laisser passer les cavaliers mystérieux. Entre le Mont et la Besseyre, ils se trouvèrent brusquement au milieu d’une procession de fantômes qui ricanaient, puis ce fut des feux follets qui dansaient autour d’eux. A la descente des Troynères, sur les bords du Nadalès, il eur sembla que la vallée s’écroulait, des pierres énormes rebondissaient de tous côtés, sans cependant les atteindre.

Quand ils eurent traversé la rivière, ils s’assirent au-dessus d’un rocher, et ils étaient là, harassés, ne sachant que penser, lorsqu’ils virent monter de la rivière comme une armée. Il y avait des généraux, des colonels, des capitaines ; tout un état-major. Nos deux hommes restaient interdits. Mais, tout à coup, un grand éclat de rire se fit entendre et tout disparut. C’était une bande de lutins qui s’étaient amusés d’eux. »

D’après Henri Hugon (1869-1944) « Les légendes du Velay » - Réédition du Musée de Saint-Didier

Janvier 2016



 8 - LES TROIS MAÎTRESSES


FILEUSE.jpg « Autrefois, à côté de la porte de Séguret, il y avait un beau garçon, le Jean le For qui voulait se marier ; ce n’était pas un mauvais parti : fils unique et quelques belles propriétés. Ses parents insistaient pour qu’il leur amène une bru. Comme je vous l’ai dit, il ne demandait pas mieux, mais il ne se pressait pas, il lambinait.

Les filles se mettaient en évidence, et les marieurs le sortaient de sa maison.

La peur de se tromper le tenaillait, il me semble qu’il n’avait pas tort, vous savez ! une fois fait, on est lié, et le diable lui-même ne ferait pas rompre le lien.

Il faut préciser qu’à l’époque on ne parlait pas de divorce.Enfin, parmi les filles, il en sélectionna trois : la Mïon Fournie, l’Antoinette de l’Arête et la Françoise Rouge. Pour la fortune elles étaient semblables à peu de chose près, vous auriez été embarrassé pour les évaluer ; toutes les trois d’un physique fort agréable, faisaient plaisir à voir.

Ses parents ne cessaient de lui dire : « Il faut trouver une solution, va et tourne, si tu ne peux te décider, remets-t-en au hasard, tire-les à la courte paille ».

Jean ne l’entendait pas ainsi.
- « Patientez ! Patientez ! Cela ne saurait tarder »

Enfin, il descendit rue des Barrys chez le Fourmi et trouva la Mïon qui ravaudait une paire de chaussettes, cela leur était fort utile, vous auriez fait passer une pomme par le trou !

La fille s’y prenait adroitement, et devant le prétendant, vous pensez si elle s’appliquait !
- « D’où vient votre laine, Mïon ? »
- « De chez la Radegonde Miliarda, elle est bien filée, mais m’a coutée dix-neuf sous la livre ».

Après un moment de conversation, le galant s’en alla chez l’Arête et frappe à la porte.

Ce fut la Toinette qui lui ouvrit, et elle se réjouissait à la pensée qu’il venait peut être, demander sa main.

Lorsqu’ils furent dans le salon, la Toinette dit : « Mon père est allé jusqu’au Canal, il ne tardera pas à revenir ».
- « Que faisiez-vous, lorsque j’ai frappé ? »
- « Tenez, voyez mes doigts, je triais des noix »


Le garçon regarda les doigts, noirs comme de la poix et loucha sur le jupon frangé au bas de l’usure. <

- « Votre jupon, aurait besoin de raccommoder, Toinette ! »
- « Oh, mon ami, il est préférable d’en acheter un neuf : le raccommodage demande trop de temps, on a mieux à faire ; il faut de l’huile pour le chaleil et pour la poêle et le fabriquant d’huile vient samedi prochain, il fait l’huile la semaine prochaine ».
- « C’est bien possible, c’est certain, Toinette »
- « Vous n’attendez pas mon père, Jean ».
- « Non ! Je suis un peu pressé, je reviendrais ».

Il s’en alla.

En rentrant chez lui, il rencontra la Françoise qui conduisait les vaches au pacage à la Rase Grande, propre comme un liard neuf, bien coiffée, le lien de son bonnet noué à la cocarde, elle filait en marchand, son fuseau tournait allégrement, vous pouvez croire, la quenouille ne chômait pas.
- « Que filez-vous, Françoise ? » dit Jean.
- « Du chanvre, mon pauvre Jean, mon père en avait semé dans la plaine, je l’ai « stéié », je l’ai fait peigner, et maintenant je le file. J’ai cardé quatre toisons de nos brebis, et cet automne, je filerai à la veillée ; il faut tant de fils dans un ménage ! pour raccommoder, et de l’étoffe pour se vêtir, de la toile pour les draps, on en a jamais assez ».
- « Dites, mie Françoise, si votre père y consent, vous en filerez pour confectionner des langes, il faut que notre aîné soit vêtu correctement ! Qu’en dites-vous, ma mie ? »
- « Que voulez-vous que j’en dise, mon Jean ? Je vous promets de ne pas être oisive et que les langes et les draps de lit ne feront pas défaut à notre foyer ».
Et, voilà comment Jean le For, de ses trois maîtresses, épousa celle qui à elle seule valait les autres deux. »

D’après « Les Contes du Brivadois » de Touana Bartan (Antoine Bertrand) - Editions René Borel à Brioude – 1934 – Traduction Albert Massebeuf.

Janvier 2016



 9 - LE SOLDAT ET LE DIABLE


DIABLE_1.jpg « Il y avait un soldat qu’on appelait le soldat de la plaine.
Un jour en voyageant, trouva le diable.
- Où vas-tu ? lui dit-il. Si tu voulais me porter un peu. Je suis bien fatigué.
- Entre dans mon sac, lui dit le soldat.

Le diable y entra. Quand ils eurent fait un peu de chemin, le soldat trouva une forge, demanda :
- Combien êtes-vous de maréchaux ?
- Je suis tout seul, répondit le maréchal.
- Vous n’êtes pas assez pour ce que je veux faire.

Il fit un autre peu de chemin, trouva une autre forge.
- Combien êtes-vous de maréchaux ?
- Nous sommes dix.
- Vous êtes assez pour ce que je veux faire.

Alors déchargeant son sac qu’il portait, il le mit sur l’enclume et y fit taper tous les maréchaux, de sorte que quand ils eurent fini, le diable fut tout aplati ; pour se rendre en enfer, il ne pouvait pas marcher.

Quelques jours après, le soldat mourut. Il alla heurter à la porte du paradis.

Le bon Dieu dit à Saint Pierre d’aller voir qui c’était. Saint Pierre lui répondit : C’est le soldat de la plaine.
- Dis-lui qu’il aille à l’enfer, qu’il n’a pas été sage.

Le soldat alla heurter à la porte de l’enfer.
- Va voir qui est-ce, dit le gros diable.
- C’est le soldat de la plaine.
- Fermez la porte, dit le diable qui avait été martelé.

Le soldat ne savait pas où aller, quand il se rappela qu’il avait donné un sou au bassin des âmes. Il s’en retourna à la porte du paradis.
Il dit à Saint Pierre : » Si vous ne voulez pas me revoir en paradis, rendez-moi mon sou que j’ai donné au bassin des âmes. »

Saint Pierre lui alla chercher un plein paillas de sous.

Le soldat tourna un peu les sous. Il dit que le sien n’y était pas.

Alors le bon Dieu dit à Saint Pierre : conduis-le au pouyo.

Quand le soldat vit tous ces sous, les tourna un peu, et en prit un : Voilà mon sou. Il s’y assit dessus et ne voulut pas sortir du paradis disant qu’il était assis sur ça sien.

D’après Ulysse Rouchon , Contes et Légendes de la Haute-Loire – Crépin-Leblond éditeur à Moulins (1947)

Janvier 2016



 10 - COMMENT FIT COUDACA POUR ENTRER AU CIEL


VAGABOND.jpg « Un pauvre homme était mort un vendredi.

Il faut croire que ce jour là, la Camarde, avait fauché un peu trop vite ou que les esprits se livraient au repos, car il n’y eut ni ange ni diable pour recueillir son âme.

Et la pauvre âme ne savait où se diriger parce qu’elle ne connaissait pas plus le chemin du ciel que celui de l’enfer.

Elle se lamentait, quand saint Michel, qui venait de quérir un roi, passa. Elle le suivit, de loin, et, ainsi, arriva au ciel.

C’était un castel dont la muraille était si longue qu’on en voyait pas la fin et si haute qu’on en voyait pas la cime.

Les élus, que les anges portaient, entraient sans discontinuer, et chaque fois que le portail, qui resplendissait de lumière, s’ouvrait, on entendait en une douce musique : « Gloire ! Gloire ! »

L’âme se sentait possédée d’un ardent désir d’aller chanter la gloire du Très-Haut.

Elle heurta au portail.

Saint Pierre, qui tient la clef du Paradis, regarda :
- Que veux-tu ? cria-t-il,
- Je suis Coudaca de Chilhac : j’ai gagné le ciel et j’y viens.

Le gardien du ciel lui répondit, en faisant la grimace :
- Qui t’a conduit ?
- Je viens seul, bon saint Pierre.
- Où est ton ange gardien ?
- Je ne le sais pas : quand je suis parti de là-bas, il n’y avait personne pour me prendre.
- Et tu voudrais entrer ici ?
- Certes, oui, bon saint Pierre.
- Veux-tu te retirer ?... Nous ne recevons pas la pauvraille !...
- Si j’étais pauvraille, comme vous, je ne demanderais rien ! Vous vous nommez Pierre et vous êtes plus dur que la pierre !... Vous ne faisiez pas tant le fier, lorsque le coq chanta trois fois !...

L’apôtre en resta comme une brebis étourdie d’un coup de massue…

Peu après, il appela saint Thomas.

Celui-ci, qui avait ouï Coudaca, se promettait bien de la rabrouer de la belle façon !
- C’est toi, qui est si hardi ?
- Bon saint Thomas, je ne demande pas grand-chose : je veux seulement entrer au ciel.
- Vil manant ! Insolent ! Tu ne sais pas que nous sommes les martyrs, les confesseurs, les apôtres, les saints et que le ciel est nôtre ?
- Dites, saint Thomas, vous souvenez-vous de votre méchanceté, et que Notre-Seigneur vous fit bouter votre main dans son côté ?... N’en avez-vous pas vergogne ?

Le saint baissa la tête, puis il appela saint Paul.

Déjà, saint Paul ouvrait la bouche pour faire un discours bien senti, quand Coudaca fit :
- Apôtre, je suis enchanté de vous voir : peut-être, me venez-vous conter ce que vous fîtes, quand on martyrisait saint Etienne, et où vous alliez, quand le feu du ciel vous jeta à terre…

Ce fut comme si on l’avait cinglé au visage et il restait sans mot dire…

Mais le bon Dieu, qui savait bien qu’il se passait quelque chose, vint voir.

Coudaca n’eut pas peur de lui parler :
- Seigneur, dit-il, je ne suis qu’un pauvre serf, le dernier des hommes, rien qui vaille ; mais je ne vous ai jamais renié, j’ai cru en vous et je n’ai tué personne. Toute ma vie, j’ai partagé mon pain avec ceux qui n’en avaient point, j’ai réchauffé et couché ceux qui avaient froid et qui étaient sans abri ; et ores, je viens vous demander de m’ouvrir le Paradis.
- C’est bien parlé, répondit le bon dieu. Tu sais te défendre et ton plaidoyer m’agrée. Pierre, ouvre ! et toi, entre !
Cette fois, il fallut bien que le portail s’ouvrit, et Coucada entra au Paradis.

Ces saints sont les seigneurs de jadis, qui avaient tous le bien-être, et Coucouda, le pauvre peuple qui a tant peiné pour en obtenir un peu. »

D’après Henri Gilbert « Les conteurs du Couvize » - Imprimerie « La Haute-Loire – Le Puy en Velay – 1953

Janvier 2016



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 11 - NUIT DE NOËL


boeufs.png« Il y avait autrefois un fermier appelé Marchand. C’était un homme dur pour sa femme, ses enfants, ses serviteurs, ses animaux. Dans son écurie, il avait deux grands bœufs. Les vaillantes bêtes mettaient toute leur volonté à tirer la charrue et à faire les charrois et, cependant, le maître n’était jamais content. Il les frappait sans motif, et il leur mesurait le foin.

On était au soir du 24 décembre, Froment et Rousseau, c’était le nom des deux bœufs, avaient été toute la journée sous le joug, et ils étaient bien fatigués. Le maigre foin de la crèche fut avalé en un instant, et ils étaient bien tristes, en train de ruminer. Mais ils se consolaient en songeant que c’était la nuit de Noël. Comme dans tout le pays c’était la coutume de donner aux animaux double ration à minuit, en l’honneur de la naissance de l’Enfant-Dieu, ils comptaient qu’il en serait chez eux comme partout ailleurs ; et, à mesure que l’heure avançait, ils se réjouissaient en humant l’odeur du bon foin qu’ils sentaient là-haut, dans la grange, au-dessus de leur tête.

Cependant, le maître vint à l’écurie ; les bœufs tendirent leur chaîne et regardèrent de son côté. « Ah ! mes beaux gaillards, s’écria-t-il, je vois ce que c’est. Vous attendez une belle ration en l’honneur du Christ ! Vous ne connaissez pas maître François ! Vous n’aurez rien, et, demain, jour de Noël, je vous mènerai dans la forêt chercher un gros arbre. Cela vous dérouillera les jambes. » Et il rit d’un gros rire.

Nul n’ignore qu’en récompense de la bonne action du bœuf, qui, la nuit de Noël, là-bas, en Judée, réchauffa de son haleine les membres de l’Enfant-Jésus, dans l’étable de Bethléem, tous les bœufs ont, depuis le privilège de pouvoir parler durant les douze coups que sonne l’horloge à minuit, la nuit de chaque Noël . Le maître n’était pas encore sorti de l’écurie ; mais il se tenait derrière un pilier et il ne pouvait être aperçu des animaux. Tout à coup, l’horloge de la maison commença la sonnerie des douze coups, lentement, très lentement. Alors, le plus jeune des bœufs, Froment, dit à l’autre : « Que nous sommes malheureux ! Tu as entendu la menace du maître ? – Patience, reprit rousseau, patience. Le méchant ne tardera pas à être puni. C’est vrai nous n’aurons pas de foin tout à l’heure ; et demain nous irons à la forêt. Mais l’arbre que nous rapporterons servira de cercueil pour celui qui a été sans pitié et qui ne respecte pas les fêtes les plus sacrées. » Ce fut tout, le douzième coup résonnait à l’horloge, et les deux bœufs reprirent leur long silence.

Le fermier, qui avait tout entendu, fut d’abord très troublé et il avait peur. Mais, au jour, son arrogance le reprit, il s’entêta dans son premier projet et, malgré les supplications de sa femme, il lia les bœufs, les piqua méchamment et partit pour la forêt.

Tout se passa d’abord très bien. Mais au retour, en arrivant près de la maison, il voulu passer devant les bêtes, il fit un faux pas et tomba par terre. Les bœufs continuèrent leur marche, et le char, lourdement chargé lui passa sur le corps. Quand on le releva, il était mort. »

D’après Henri Hugon (1869-1944) « Les légendes du Velay » - Réédition du Musée de Saint-Didier

Décembre 2015



 12 - LES CONFRÉRIES DITES « GÉNÉRALES »


confrerie_penitents_saugues.jpg« Dans les siècles qui ont précédé la Révolution, les églises paroissiales étaient plus nombreuses qu’à notre époque ; beaucoup d’entre elles étaient le siège de plusieurs confréries, de corporations groupées autour de la statue d’un saint patron possédant souvent des armoiries spéciales. Il arrivait parfois que ces confréries dépassaient le cadre de la paroisse proprement dite, tout en comprenant un nombre limité de membres, suivant la nature et l’importance des privilèges dont elles jouissaient. Elles portaient le nom de générales parce qu’elles englobaient des personnes de deux sexes appartenant aux différentes classes de la société.

Dans notre région brivadoise, il y a lieu de signaler deux de ces générales, remarquables par leur ancienneté et leur vitalité.

La première fut installée dans l’église de Paulhaguet, le jeudi 3 septembre 1587 par le prieur de la Bajasse1, un de ses religieux le Frère Bertrand, Blaise Branche, curé de Paulhaguet et Antoine Faure, habitant cette ville. Elle se composait de cent membres, dont cinquante prêtres. Son but était l’entraide spirituelle et la prière pour les confrères défunts. Les statuts de cette confrérie furent modifiés au cours des âges, mais elle était sous le vocable de Notre-Dame des Sept Douleurs et célébrait sa fête le vendredi après le dimanche de la Passion. Chaque année, cent messes étaient dites pour les défunts de l’association.

La seconde confrérie, également dénommée générale, avait son siège en l’église Notre-Dame , à Brioude. Elle fut fondée en 1607 par quatre paysans de Massiac, Espalem, Beaumont et Lamothe, en l’honneur de la « glorieuse Assomption de la Sainte Vierge ». Cette confrérie, approuvée par le pape, était composée de quatre cent membres, répartis en quatre « quartiers ». Elle se réunissait deux fois par an dans chacun de ses quartiers, c'est-à-dire Notre-Dame de Brioude, Massiac, Blesle et Auzon. Tous les quatre ans, la confrérie convoquait l’ensemble de ses membres à Brioude où, sous le nom de « grande fête des paysans », elle organisait une importante solennité. Cette générale devint très florissante et comptait, outre des paysans, des membres du clergé, de la noblesse et de la bourgeoisie ; elle subsista jusqu’à la Révolution.

Notons en passant que parmi les membres de la confrérie de Paulhaguet comptait le général Lafayette, qui fut inscrit en 1781.

On pourrait également rattacher à ces deux confréries celle qui existait en l’église de Saint-Didier-sur-Doulon en l’honneur de Saint Roch : elle comprenait exactement cent membres et célébrait sa fête le 16 août ; son but était de faire dire des messes pour les confrères défunts. »


1Lire par ailleurs La Léproserie de la Bajasse

D'après l'Abbé Julien Lespinasse – Chroniques du Brivadois – Un peu d’histoire locale – Edition « Almanach de Brioude » - 1965

Décembre 2015



 13 - LA SAISIE


veillee_funebre.jpe« Le mari et la femme étaient de joyeux vivants. Leurs parents leur avaient laissé une fortune assez rondelette ; mais ne peu de temps ils en avaient vu le bout. Un matin le voisin leur dit :
- Je vous préviens que j’ai appris que vous auriez ce soir la visite de l’huissier.
- Si au moins, nous pouvions sauver notre mobilier dirent les époux ; mais il ne nous en reste pas le temps.

Ils réfléchirent longuement. Soudain la femme portant une main à son front :
- Une bonne idée, dit-elle à son conjoint, il m’a été dit qu’on ne pouvait opérer une saisie dans une maison où il y a un cadavre. Couche-toi et fais le mort.

Le mari se coucha et resta immobile comme un rocher. La femme le couvrit d’un drap blanc. Elle l’habilla de noir, s’agenouilla et se prit à sangloter. On frappa à la porte : c’était l’huissier suivi de son clerc, un jeune homme de vingt à vingt-cinq ans. Apercevant la femme en pleurs :
- Vous est-il arrivé quelques malheur ? dit l’officier ministériel.
- Hélas ! Monsieur, que je suis malheureuse, mon pauvre mari vient de mourir, pechère !
- Dieu lui donne le repos éternel ! Croyez, madame que je partage votre douleur et que j’en comprends l’étendue. Mais que sert-il de verser des larmes : nous savons que nous sommes tous mortels.

L’huissier s’excusa de sa visite ; il se disposait à s’en retourner ; mais la femme le pria d’accepter un verre. Il serait peut-être parti, mais le clerc prit sans façon la chaise qui lui était offerte et son patron l’imita. Le clerc était à côté de la dame. Il était ardemment passionné. La femme était belle et langoureuse. Ils se lancèrent un regard significatif. Le jeune homme avait une rose ; il l’offrit à la veuve qui accepta. Puis des agaceries, des caresses. Enfin le clerc cueillit un baiser sur les lèvres roses de la belle aux yeux humides.
- Ah ! si je n’étais pas mort ! cria le mari, avec un geste de menace.

L’huissier et le clerc terrifiés s’enfuirent. »

D’après Ulysse Rouchon , Contes et Légendes de la Haute-Loire – Crépin-Leblond éditeur à Moulins (1947)

Décembre 2015



 14 - L’ÂNE DU CHARDONNERET


Ane_recalcitrant.jpg« On dit parfois : « Il ne faut pas se fier à tout le monde », et on a pas tort. Tenez le Chardonneret, que tout le monde tenait pour honnête, fit une mauvaise action qui sentait la coquinerie.

Le Chardonneret avait un âne, « le Cadet », fait sur mesure, vous auriez renoncé à en trouver un semblable de fort loin. Toujours prêt à rendre service, il courait comme un lapin, trimait comme une paire de bœuf, et complaisant ! Qu’il fallut rentrer la récolte, engranger les gerbes, porter la lessive au ruisseau, ou le curé du doyenné, mon Cadet ne refusait jamais.

Et plus fort, le Chardonneret certifiait que Cadet lui parlait !

Mais l’âne se faisait vieux, il avait de l’asthme, et le Chardonnet décida de le vendre.

Un samedi matin, tout le village fut en émoi : au beau milieu de la place, le Chardonneret traînait Cadet, et Cadet ne voulait pas avancer, vous auriez entendu ses cris à une lieue !

Les gens étaient sortis et s’assemblaient ; le tambour, le tisserand, l’instituteur, le garde champêtre, le curé… Tous plaignaient Cadet qui encaissait de nombreux coups de fouets.
- « Tu m’as dit que tu ne voulais pas t’en aller, bon à rien, que tu étais natif d’ici et que tu voulais y rester ! Ça ne fait pas mon affaire : je ne te veux plus, je te vendrais ».

Lorsque le Chardonneret eut fini d’exposer les griefs et le Cadet sa chanson, le maire, le curé, l’instituteur parlementèrent, et, ma foi, comme ils avaient habitué Cadet, que chacun en faisait son profit, ils décidèrent de l’acheter.

Et ils l’achetèrent cinquante bons écus que le Chardonneret serra dans son escarcelle.

Et voilà Cadet âne de la paroisse. Etabli chez le tisserand, il n’avait jamais été à pareille fête.La Colombe du curé lui portait de bonne croûtes de pain blanc, de l’avoine, et de la luzerne ; dans la litière jusqu’au ventre, notre âne chantait tout le temps ! Mais pour traîner et courir : pas fort ! Il versa la lessive de la Colombe, il faillit blesser Peston le tisserand, d’un coup de pied, puis, lorsque le curé voulut aller au doyenné, mon Cadet lambina tant en chemin, qu’ils arrivèrent quand les camarades avaient fini de dîner et qu’ils buvaient « le gloria ».

Cela ne pouvait se prolonger, le Cadet avait sûrement hâte que cela cesse.

Ils allèrent chez le Chardonnet, et le tisserand lui dit : « Tu nous a toujours certifié que ton âne parlait, demande-lui ce qu’il a, nous ne pouvons rien en faire ».
- « Je veux bien, dit le Chardonneret, je vais lui parler, on verra bien ».

Le voilà qui se dirige vers l’écurie, il y demeura longtemps, et lorsqu’il sortit, tous l’attendaient.
- « Eh bien, il a parlé ? Qu’a-t-il dit ? »
- « Ah, mes enfants, le Cadet s’est mis au goût du jour ! Il dit : « Maintenant, je m’en fous, je ne veux plus travailler, maintenant je suis salarié ».

D’après Contes du Brivadois de Touana Bartran – Edité en 1934 par René Borel à Brioude – Traduction en français d’Albert Massebeuf

Décembre 2015



 15 - LES CHAPERONS BLANCS


Confrerie_Chaperons_Blancs.jpg« La réconciliation du comte Raymond V de Toulouse et du roi Alphonse d’Aragon en 1185 amena le licenciement des ces bandes de Routiers qu’ils avaient entretenues à grand frais pour soutenir leurs prétentions rivales aux domaines du Rouergue et du Gévaudan. Tous ces soldats se rependirent à travers les provinces méridionales, principalement dans le Velay où déjà d’autres compagnies semblaient en permanence comme en pays conquis.

Quel moyen trouver pour chasser, pour disperser ces hordes insaisissables, qui campaient tantôt ici, tantôt là, n’ayant ni chefs publiquement désignés, ni retraite connue, errant sans cesse à travers les campagnes, pillant fermes, églises, châteaux, et empêchant ainsi les gens de négoce, les voyageurs et es pèlerins de s’aventurer sur les routes, jadis fréquentées, qui conduisaient dans la bonne ville de Notre-Dame ?

– C’était la coutume, en ce temps là, que le 15 août, jour de la fête de la Vierge, il vient au Puy, des contrées lointaines, une foule immense de pieux et nobles visiteurs. Tous les seigneurs du Velay s’y donnaient rendez-vous et y rivalisaient de largesses et de dépenses. A cette occasion, on voyait arriver de l’Auvergne, du Poitou, de la Provence et de l’Espagne, des marchands qui étalaient le long des murailles, depuis le sommet de la rue des Tables jusque par-delà les portes de la cité, les plus somptueuses étoffes, les plus belles armes, les plus riches joyaux. Aussi cette solennité était-elle vraiment une fortune pour l’église et pour la ville.

– C’est pourquoi un chanoine de la cathédrale, désolé de voir diminuer chaque année le nombre de ceux qui apportait leur tribut, tant les Routiers gardaient étroitement les avenues de la ville, imagina de purger le pays de ces bandes spoliatrices et de rendre à la fête de Notre-Dame d’Anis sa splendeur et sa prospérité.

Pour décider les populations urbaines à s’armer, à marcher en masse contre les Routiers et à défendre elles-mêmes leur territoire contre les invasions et le pillage, il eut recours au stratagème suivant :« Il parla à un jeune homme subtil en langaige, non connu en la ville. – Ils ordonnèrent ensemble que le jeune homme serait habillé en guise de Notre-Dame, le plus proprement que l’on pourroit, et se apparoîtroit de nuist à un simple homme de très bonne renommée , qui avoit nom Durand, et qui étoit charpentier. Iceluy Durand avoit acostumé d’estre en dévotion par nuist à l’église. Ainsi fut faict comme ils l’avoient décidé, - car le jeune homme, une heure devant le jour, apparut à Durand en guise de Notre-Dame, et luy dit certaines paroles et commandement. Le simple homme cuida pour vray que ce fust Notre-Dame »

Notre charpentier, dont toute la ville connaissait la parfaite bonne foi, proclame le lendemain en pleine église que, la nuit précédente, alors qu’il était en prière, la Sainte Vierge lui a apparu, lui a ordonné d’organiser une association pour combattre les ennemis qui ravagent la contrée et empêchent les pieux pèlerins de venir visiter son oratoire. Puis, en témoignage de sa sincérité, le prud’homme montre une image miraculeuse qui lui a été remise par Notre-Dame, et qui servira de modèle à celle que chaque affilé devra porter sur sa poitrine .

– A ce récit, l’évêque monte en chaire, prêche avec chaleurs une croisade contre les Routiers, c’est le ciel qui parle par sa bouche, c’est Notre-Dame elle-même qui est venu dire à Durand ce qu’il fallait faire ; honte et malédiction sur les impies qui tenteraient d’empêcher cette volonté suprême de s’accomplir !... La foule est émue, verse des larmes ; chacun s’empresse de prendre la médaille et le chaperon1 ; et grâce à l’ingénieuse supercherie du chanoine, les Routiers sont bientôt chassés de la province. »

1Le signe distinctif de la nouvelle compagnie était un chaperon de toile blanche et une enseigne de plomb ou d’étain.

D’après Francsique Mandet - « Velay et Auvergne » - Contes et Légendes recueillis par Régis Marchessou Imprimeur –éditeur au Puy en Velay – 23 Boulevard Carnot – 1903>

Décembre 2015



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 16 - LES ANCIENNES NÉCROPOLES DU BRIVADOIS


Necropole.jpg « Il arrive assez souvent qu’au cours de travaux de terrassements, on découvre des ossements humains dont certains remontent à des périodes anciennes de notre région brivadoise. De telles découvertes sont assez fréquentes lorsqu’elles se produisent dans le voisinage d’antiques églises ou vieux monastères.

Dans le passé, malgré les défenses portées par les conciles et les rois, certaines sépultures étaient faites dans les églises ; on y ensevelissait les personnages de marque, tant ecclésiastiques que séculiers.

A Brioude, on enterrait dans toutes les églises paroissiales, sans parler de la collégiale de Saint-Julien, où l’on voit encore plusieurs pierres tombales, notamment celle de l’abbé Pierre Nozerines, mort en 1757. Dans l’église Saint-Jean, les sépultures étaient si nombreuses qu’elles constituaient un véritable danger pour la salubrité publique ; l’assemblée de police, tenue en décembre 1773, attira sur cette grave question l’attention du roi, qui publia, le 15 mai 1776, des Lettres patentes pour restreindre considérablement le nombre de sépultures dans les églises.

C’est à proximité des monuments religieux qu’étaient établis les cimetières proprement dits. On sait, par exemple, que la place actuelle de Grégoire-de-Tours est l’emplacement de l’ancien cimetière du chapitre d’où le nom de « porte du cimetière » donné encore à la petite porte ouvrante de l’église sur la place, en face le couvent de Saint-Joseph.

A Saint-Férréol, il y avait une église dès le Ve siècle auprès de la fontaine miraculeuse de Saint-Julien : elle fut desservie par les choriers du Chapitre jusqu’en 1608, époque de leur remplacement par les religieux Minimes qui ont été dispersés à la Révolution.

L’église Saint-Férréol était le centre paroissial des villages de Cohade, Crispiat, Alvier et Flageat ; jusqu’au XVIIIe siècle, date de son transfert à Cohade.

Sur son territoire, il y avait également l’église et la commanderie du Chambon, près le hameau d’Ouillandre, ancienne maison des Templiers fondée par les comte Dauphins, mentionnés dès l’an 1288, passée en 1313 aux Hospitaliers de Saint-Jean-de –Jérusalem.

Les ossements retrouvés à Saint-Férréol semble être ceux des paroissiens de ce divers villages, ensevelis dans l’ancien cimetière.

D’ailleurs on avait déjà recueilli une grande quantité d’ossements lors de l’établissement de la route actuelle et on les avait transférés dans le cimetière du Reclus.

Des découvertes analogues ont été faites, au siècle dernier, à Brioude même, près des anciennes églises de Saint-Pierre, Saint-Préjet, Saint-Geneix, Notre-Dame.

Il en a été de même pour d’autres localités, en particulier à Chambezon, où il s’agit d’un ancien cimetière, dans cette paroisse qui était le siège d’un prieuré relevant en fief, depuis 1466, de la seigneurie de Léotoing, et uni à la mense conventuelle de La Chaise-Dieu, qui elle aussi est une véritable nécropole par le nombre et l’importance des sépultures qu’elle renferme.

Pieux et touchants souvenirs du passé de notre terre brivadoise. »

D’après l’ Abbé Julien Lespinasse – Chroniques du Brivadois – Un peu d’histoire locale – Edition « Almanach de Brioude » - 1965


Novembre 2015



 17 - SAINT JULIEN ET LE PEIGNEUR


St_Julien_de_Brioude.JPG« Antoine l’Echeveau, qui était peigneur derrière la porte des Chèvres peinait pour nourrir sa couvée d’enfants, et, malgré son travail, il logeait la misère dans sa maison plus souvent qu’à son tour.

Il avait commis l’erreur d’emprunter dix écus à un vieil avare, surnommé le Loup, qui tenait boutique dans Briganvaï. Cette crapule était méchante comme la gelée, il ne prêtait qu’à des taux usuraires, et il fallait payer à échéance, sans quoi on avait l’huissier !

Les dix écus devaient être restitués pour la Noël, et mon pauvre Antoine se donner du mal pour économiser, pour se sauver de la malice du Loup : mais vous auriez dit que le diable s’en mêlait : lorsqu’il avait dix francs dans sa bourse, le boulanger arrivait pour s’en emparer !

Noël arriva sans les dix écus, et le sabotier insista, il ne voulait pas surseoir et le jour de l’an, alors que l’Antoine était au pont du Charbonnier pour faire pinte chez le rouquin de Macuit, les gendarmes l’arrêtèrent dans la rue Séguret alors qu’il revenait. Il était presque nuit, et mon Antoine, pour être traîne-malheur, n’était pas bête, il veilla le moment propice pour déguerpir, avant d’aller en prison.

Lorsqu’ils furent devant la basilique, le portail était ouvert, d’une secousse, l’Antoine s’évada et entra au galop. L’église était obscure, les gendarmes cherchaient d’ici, de là, reniflant le confessionnal, éparpillant les chaises, grimpant en chaire, sans trouver ce brave peigneur.

A la fin, ils se trouvèrent devant la niche où se trouvait une grande statue de Saint Julien. Il faut préciser que le matin même, le bedeau avait descendu Saint Julien, et l’avait porté chez Chambefort, le menuisier, pour lui faire réparer une jambe qui avait reçu un coup.

Lorsqu’ils furent devant la niche, les gendarmes en auraient pleuré de ne pouvoir s’emparer de leur prisonnier, ils s’agenouillèrent en criant :
- « Bon Saint julien, vous qui fûtes gendarme, ayez pitié de deux pauvres agents de ville, prêtez-nous main forte pour que nous arrêtions ce chenapan d’Antoine de l’Echeveau, sans quoi nous perdons nos fonctions et il faudra payer pour lui ».
Le Saint, remplacé par l’Antoine ne bougeait pas plus qu’un tertre. Le saint ne dit rien .
- « Tenez, Bon saint julien, nous voyons bien qu’il faut vous faire une offrande, nous vous offrons dix écus, si cela vous convient ».

Alors, du fond de la niche, obscure comme un four, une voix répondit : « Payez d’avance ».
Mes deux personnages, peu fiers, grommelèrent : « le saint ne veut pas se laisser berner, il faut payer, sortons la monnaie sans quoi nous sommes fichus, ni plus ni moins il faudra dédommager le Loup et perdre notre place ».

Les voilà qui se fouillent, vident leur bourse et arrivent à constituer dix écus.
- « Tenez brave Saint, voilà votre compte ; maintenant indiquez-nous où est ce voleur d’Antoine ».
- « Il n’est pas loin, répondit la voix, postez-vous près de la porte du Loup et là, vous le capturerez.

Les agents vont se cacher dans Briganvaï, et l’Antoine descend de la niche, ramasse les dix écus et court che
z le sabotier. Lorsqu’il fut entré ils l’arrêtèrent, mais il sortit de sa bourse où tintait la monnaie : « Laissez-moi, dit-il, je paie, voilà le compte ! »

Depuis il ne se parle plus que du miracle de Saint julien qui fait payer les dettes des pauvres gens par les tire-couvertures. »

D’après « Les Contes du Brivadois » de Touana Bartan (Antoine Bertrand) - Editions René Borel à Brioude – 1934 – Traduction Albert Massebeuf.

Novembre 2015



 18 - LES LOUPS MUSICIENS


Musicien_et_les_loups.jpg« Mon père m’a toujours raconté les aventures de mon grand père Alphonse. Une de ses aventures m'a beaucoup impressionné, la voici:
« Ceci se passait en 1895, à Saint- Germain- en- l’Herm, petit village situé dans le Livradois en Auvergne. Alphonse n’avait jamais appris la musique, mais, il jouait naturellement du violon.

A l’époque, lorsqu’il y avait un mariage ou une fête, pour agrémenter l’événement, on faisait venir un musicien. C’est à l’occasion d’une fête, dans le village du Fournols à quelques kilomètres, que Alphonse avait été demandé.

Saint- Germain- l’Herm se trouve sur un plateau entouré de forêts de sapins et il était courant, à l’époque, d’y rencontrer des loups. Après avoir joué du violon une bonne partie de la nuit, Alphonse pris le chemin du retour.

C’est en traversant la forêt de l’Etal éclairée faiblement par la lune, qu’il fut suivi soudainement par une meute de loups. Si un loup n’est pas forcément dangereux, une meute bien organisée peut l’être. Aussi, mon grand père prit peur et chercha un endroit pour se protéger.

Dieu lui vint en aide, car sur le chemin qui relie Saint- Germain au Vernet , il y avait quelques granges, si bien , qu’il trouva le toit d’une grange pour s’y réfugier. Une fois sur le toit, il fut vite entouré par plusieurs loups. Qu’allait-il faire? Il n’avait rien pour se défendre et il faisait encore nuit. C’est alors qu’il pensa utiliser son violon pour dissuader les loups à rester autour de la grange. Il se mit à jouer du violon et... miracle!

Les loups, stupéfaits par ce son étrange, se sont calmés, plus Alphonse jouait et plus les loups l’écoutaient, si bien que mon grand père continua son concert et même il commença à jouer avec plaisir pour ses auditeurs originaux. Tous les loups restaient couchés enchantés par cette musique. »

Dès Les premiers rayons du soleil, les loups se levèrent et disparurent comme ils étaient venus. Mon grand père est rentré chez lui indemne et content d’avoir vécu une aussi étrange aventure.

L’histoire ne dit pas ce que les loups ont ressenti en entendant cette jolie musique, mais on dit que la musique adoucit les mœurs ! Si vous vous promenez un jour dans le bois de Pommerol près de Saint –Germain- l’Herm, vous entendrez peut être encore quelque hurlement de loups, mais, ce seront alors des loups musiciens! »

D’après Histoires vraies incroyables

Novembre 2015



 19 - LES PIERRES DES FÉES


Fee_fileuse.jpeg« Au sud-ouest de Langeac, près de Tailhac, la tombe des fées a, début du siècle dernier, fait l'objet d'une étude par un certain M. Duranson.

C'étaient deux dolmens de taille différente dont le plus petit était nommé la crèche de l'âne. Sous le plus grand, qui était dallé au sol, quelques marches conduisaient à une espèce de caveau presque entièrement obstrué. Peu après, un paysan voulut fouiller ce caveau dans l'espoir de trouver un trésor. Il ne fit que ruiner le monument dont il ne reste plus que quatre blocs. La légende s'en est emparée ; jadis, quand venait le soir, de petites fées blanches et noires sortaient des bois et venaient en ce lieu filer la laine noire et blanche de leurs quenouilles. Elles portaient sur la tête ces blocs énormes qui leur servaient de sièges. Une nuit, l'enchantement cessa et les sièges des fées, écrasant celles qui les portaient, leur tint lieu de sépulture. De là est venu le nom de « tombe des Fées » . La tradition ajoute que ce caveau se prolongerait par un souterrain qui aboutit près d'Espigoux.»

D’après Blog d’Uguetta publié le février 2009


Autres versions:
- Les Dames Blanches de Tailhac présentée en avril 2017
- La Trioura Das Fadas présentée en décembre 2014


Novembre 2015



 20 - SAINT PIERRE ET LE DIABLE


St_Pierre_et_le_diable.jpg« Saint Pierre et le diable se rencontrèrent un jour sur notre planète. Ils avaient mission l’un de sauver les âmes, l’autre de les perdre. Installés dans une grande cité où ils ne pouvaient suffire à leur besogne, ils devaient y faire un long séjour. Pour être le premier un grand saint, le second un puissant roi des enfers, ils n’en étaient pas moins obligés de se soumettre à l’inexorable loi commune aux mortels et d’obéir à l’arrêt de dieu après la chute du premier homme : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ». Ils affermèrent donc un champ.

« Qu’y sèmerons-nous, dit Satan ? » - « Des pommes de terre », répondit le prince des apôtres.

Ils se mirent en conséquence résolument à l’œuvre. Pierre bêchait, la tête découverte, les bras nus, la chemise déboutonnée. Sorti des fournaises infernales où, dit-on, la température n’a rien à voir à celle des Tropiques, son compagnon n’avait pas de vêtements. C’était un plaisir de voir ces robustes ouvriers enfoncer profondément dans le sol le fer de leur bèche et rompre à coups redoublés les mottes de terre d’où s’exhalait un chaude vapeur.

En deux jours, je crois, tout fut terminé.

« Maintenant, dit Pierre, dieu fera le reste », et ils regagnèrent la ville.

Quelques mois après, revenus au champ, fécondé de leur sueur, ils s’extasiaient devant les magnifiques tiges qui en couvraient la surface et promettaient une abondante récolte.

« Dieu a béni notre travail , dit Pierre, partageons maintenant. Voyons Lucifer, fais ton choix. Veux-tu la partie de la récolte enfouie sous le sol ou celle hors de terre ? » .

Emerveillé des fleurs jaunes, blanches ou violacées qui couraient les solanées, le prince des ténèbres ne balança pas une minute.
– « A moi, dit-il ce qui est hors de terre. »

- « Accordé, ajouta Pierre. » Pour donner à leur pacte un caractère authentique, ils recoururent au ministère d’un notaire, lequel coucha sur papier timbré la convention des contractants. Enchanté de pacte, le diable se hâta de couper les tiges qui, hélas, se flétrirent presqu’aussitôt et qu’il ne put manger. Pierre, au contraire, eut pour sa part d’excellents tubercules.

« Coquin, tu m’as filouté, murmurait le diable ; mais tu ne m’y prendras plus. « Sans s’inquiéter de son mécontentement, Pierre prit la parole : « Il ne s’agit pas de laisser notre champ en jachère, ensemençons-le avec du blé, car, suivant le précepte agronomique, il est nécessaire de varier les cultures.

« Va pour du blé ! » dit Lucifer. Ils labourèrent le sol, semèrent du grain, et le reste se fit tout seul ou plutôt, comme le proclamait Pierre, ce fut dieu qui le reste.

Quand vint le mois d’août, le champ présentait un merveilleux aspect . Dorés par le soleil, les épis chargés de grain inclinaient doucement la tête au souffle de la brise et donnaient les plus belles espérances. « La récolte est mure, dit Pierre : partageons. Que choisis-tu cette fois ? » - « Ce qui est dans la terre, répondit le diable. » Ce fut convenu ainsi. Pierre moissonna le blé, le battit, vendit la paille et recueillit le grain pour plusieurs années. Son associé ne récolta que les éteules. En vain retourna-t-il le sol dans tous les sens, il ne trouva rien.

Furieux et se tournant vers saint Pierre : « Tu es trop malin, mais si je n’ai pu t’avoir par la ruse, j’emploierai la force ; allons nous battre et vider à jamais notre querelle. »
- « Je le veux bien, répliqua l’apôtre ; mais avant de nous mesurer sur le terrain, ouvre tes larges oreilles et suis mon raisonnement. En tirant l’épée, nous allons donner au monde le plus mauvais des exemples et nous assumons, moralement du moins, une grande responsabilité. Si sévères que soient actuellement les lois à l’égard des duettistes, elles seront terribles à l’avenir, car dieu m’a prédit qu’un jour viendra où un cardinal [1] ministre d’un roi de France, fera trancher la tête à tous les nobles qui se battront en duel. Donc pour vider notre différend, dérobons-nous aux regards du public et pénétrons dans le four banal que tu vois là-bas. Tiens, voici deux bâtons : l’un mesure un pas de longueur, l’autre cinq à six. Tu as le choix : lequel prendras-tu ? – « Le plus long » - « Accepté. »

Bientôt le combat s’engage. Or, il advint que l’exiguïté du four ne permettant pas à Satan de manœuvrer à l’aise l’arme de son choix, celui-ci recevait de saint Pierre une grêle de coups qu’il ne pouvait parer.

Rossé, mais non content, le diable , l’écume aux lèvres, se précipita hors du four et prit la clef des champs en jurant, mais un peu tard, qu’il ne s’attaquerait plus à un adversaire tel de Pierre.

[1]Dans le dialogue du diable avec saint Pierre, la prédiction dont par ce dernier fixe la date de notre légende. Elle doit remonter à la première moitié du XVIIe siècle. C’est M. Valour, instituteur à Saint-Jean-de-Nay, que nous sommes redevable de cette légende.

D’après A. Lascombe « Velay et Auvergne » - Contes et Légendes recueillis par Régis Marchessou Imprimeur –éditeur au Puy en Velay – 23 Boulevard Carnot – 1903

Novembre 2015



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